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ce point de vue, il nous paraît que les fortifications du moyen âge ouvrent aux études un champ nouveau.

Telle est l’influence persistante des traditions, même aux époques où on a la prétention de s’y soustraire, que nous voyons les derniers vestiges du donjon féodal pénétrer jusque dans les châteaux bâtis pendant le XVIIe siècle, alors que l’on ne songeait plus aux demeures fortifiées des châtelains féodaux. La plupart de nos châteaux des XVIe et XVIIe siècles conservent encore, au centre des corps de logis, un gros pavillon, qui certes n’était pas une importation étrangère, mais bien plutôt un dernier souvenir du donjon du moyen âge. Nous retrouvons encore ce logis dominant à Chambord, à Saint-Germain-en-Laye, aux Tuileries, et plus tard aux châteaux de Richelieu en Poitou, de Maisons, de Vaux près Paris, de Coulommiers, etc.

DORMANT, s. m. (Bâtis-dormant). C’est le nom que l’on donne au châssis fixe, en menuiserie, sur lequel est ferrée une porte ou une croisée. Dans les premiers temps du moyen âge, les portes et fenêtres étaient ferrées dans les feuillures en pierre sans dormants ; mais ce moyen primitif, tradition de l’antiquité, avait l’inconvénient de laisser passer l’air par ces feuillures et de rendre les intérieurs très-froids en hiver. Lorsque les habitudes de la vie ordinaire commencèrent à devenir plus molles, on prétendit avoir des pièces bien closes, et on ferra les portes et croisées sur des dormants ou bâtis-dormants en bois, scellés au fond des feuillures réservées dans la pierre. Les dormants n’apparaissent dans l’architecture privée que vers le XVe siècle.

DORTOIR, s. m. Dortouoir. Naturellement, les dortoirs occupent, dans les anciens établissements religieux, une place importante. Ils sont le plus souvent bâtis dans le prolongement de l’un des bras du transsept de l’église, de manière à mettre les religieux en communication facile avec le chœur, et sans sortir dans les cloîtres, pour les offices de nuit. Quand la saison était rude ou le temps mauvais, les religieux descendaient à couvert dans le transsept et de là se répandaient dans le chœur. Les dortoirs sont établis au premier étage, sur des celliers, ou des services du couvent qui ne peuvent donner ni odeur, ni humidité, ni trop de chaleur. Les dortoirs des monastères sont ordinairement divisés longitudinalement par une rangée de colonnes formant deux nefs voûtées ou tout au moins lambrissées ; ils prennent du jour et de l’air à l’ouest et à l’est, par suite de la position du bâtiment imposée par l’orientation invariable de l’église. Les grandes abbayes possédaient des dortoirs bâtis avec magnificence et présentant un aspect vraiment monumental. La science moderne a reconnu qu’il fallait pour chaque dormeur, pendant le temps du sommeil, 32m cubes d’air respirable au moins. Les poumons des moines des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, pouvaient consommer un beaucoup plus volumineux cube d’air, si bon leur semblait, et encore se levaient-ils à minuit passé, pour chanter matines.