Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[hôtel-dieu]
— 100 —

attendre leur guérison. À Athènes, les soldats mutilés étaient entretenus aux frais de la république[1] ; mais il n’est pas dit que ce secours fût autre chose qu’une pension ; d’ailleurs ce fait ne paraît pas avoir existé dans les autres villes de la Grèce. À Sparte, après la bataille perdue par les Lacédémoniens contre Antigone, les maisons des citoyens furent ouvertes pour recevoir les blessés[2]. Les Romains, en campagne, avaient des espaces réservés aux hommes et aux chevaux malades ; mais aucun auteur ne signale, ni à Rome ni dans les villes de l’Empire, des hôpitaux destinés soit aux soldats blessés, soit aux pauvres malades. Saint Jérôme, le premier, parle d’une certaine Fabiola, dame romaine fort riche, qui fonda, vers l’an 380, un hôpital dans lequel on recevait les malades, jusqu’alors gisant abandonnés dans les rues et sur les places publiques. Dans les premiers temps du moyen âge, en effet, dans les villes de l’Italie, de la France, de l’Allemagne, il se fait de nombreuses fondations pour soigner et loger les malades, les voyageurs, les pauvres. Dans l’origine, ces fondations consistent en l’abandon d’une maison, d’un local, avec une rente perpétuelle. Naturellement, les établissements religieux réguliers, les chapitres, les paroisses même, étaient les conservateurs de la fondation. « La plus ancienne mention, peut-être, de l’Hôtel-Dieu de Paris remonte, dit M. Guérard dans sa préface aux cartulaires de l’église Notre-Dame de Paris[3], à l’année 829. » Du Breul[4] admet que cet établissement fut fondé par saint Landry, vingt-huitième évêque de Paris, vers l’an 660. Guillaume de Nangis dit, dans la Vie du roi saint Louis, que ce prince l’augmenta considérablement en 1258. Lebeuf[5] prétend que cet hôpital portait encore le nom de Saint-Christophe dans le Xe siècle ; il ne trouve point de preuves que saint Landry ait établi proche de la cathédrale une maladrerie ou un Hôtel-Dieu. « On doit distinguer, dit-il, entre un Hôpital, un Hôtel-Dieu ou une Maladrerie. J’ai beaucoup de peine à croire que les Maladreries ayent été originairement proche les cathédrales qui étoient bâties dans l’intérieur des cités. Pour ce qui est des indigens qui ne faisoient que passer, j’avoue qu’on a pu leur donner l’hospitalité dans ce quartier-là sous la seconde race de nos rois… Peut-être, ajoute-t-il, qu’avec de plus profondes recherches on trouveroit l’époque du changement de l’hôpital ou maison de l’hospitalité de cette cathédrale en Maladrerie ou Hôtel-Dieu. » En 1168, sous l’épiscopat de Maurice de Sully, le nombre des lits fut augmenté par suite d’un statut du chapitre de Notre-Dame. Il fut décidé que tous les chanoines qui viendraient à mourir ou qui quitteraient leur prébende donneraient à cet hôpital un lit garni. Trente ans après ce

  1. Plutarque, Vie de Solon, cap. XXXI.
  2. Justin, Historia, lib. XXVIII.
  3. Collection des docum. inéd. sur l’hist. de France. Paris, 1850. T. I.
  4. Le Théât. des antiq. de Paris, 1612. L. I, p. 71.
  5. Hist. de la ville et du dioc. de Paris, t. I, p. 22.