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aperçoit au fond les trois absides. La charpente en chêne, bien conservée, nous donne des bois d’une longueur extraordinaire ; les entraits, d’un seul morceau, ont 21m,40 ; les arbalétriers et chevrons portant ferme, 19m,00. Elle est entièrement lambrissée en berceau plein cintre légèrement surbaissé à l’intérieur. En C, nous avons tracé l’un des chevrons portant ferme, et en D une coupe d’une travée de charpente avec le lambrissage et les ventilateurs E, de 0m,10 d’ouverture. Les fenêtres latérales, à meneaux, sont disposées pour pouvoir être ouvertes du bas jusqu’à la naissance des tiers-points, et des marches, ménagées dans l’appui, permettent de tirer les targettes. Ce vaisseau, qui existe à peu près intact, sauf le porche, produit un grand effet. C’est un des plus beaux exemples de l’architecture civile de la fin du XIIIe siècle ; il n’a pas moins fallu que toute l’insistance de la Commission des monuments historiques pour obtenir de la ville de Tonnerre sa conservation. Pourquoi la ville de Tonnerre voulait-elle démolir cet édifice ? C’est ce qu’on aurait beaucoup de peine à savoir probablement. Pourquoi la ville d’Orléans a-t-elle démoli son ancien Hôtel-Dieu, l’un des plus beaux édifices de la Renaissance ? Combien de villes se sont ainsi, sans raison sérieuse, dépouillées des monuments qui constataient leur ancienneté, qui leur donnaient un intérêt particulier et qui retenaient des étrangers dans leurs murs ! Beaucoup regrettent, un peu tardivement, ces actes de vandalisme, et s’étonnent de ce que les voyageurs passent indifférents au milieu de leurs rues neuves, n’accordant pas même un regard au frontispice à colonnes du palais de justice, ou à la façade de l’hôpital nouveau que l’on confond volontiers avec une caserne.

La disposition des lits de l’hôpital de Tonnerre, logés chacun dans une cellule avec galerie de service supérieure, mérite de fixer notre attention. Chaque malade, en étant soumis à une surveillance d’autant plus facile qu’elle s’exerçait de la galerie, se trouvait posséder une véritable chambre. Il profitait du cube d’air énorme que contient la salle et recevait du jour par les fenêtres latérales ; sa tête étant placée du côté du mur et abritée par la saillie du balcon, il ne pouvait être fatigué par l’éclat de la lumière. On objectera peut-être que la ventilation de ces cellules était imparfaite ; mais la salle ne contenant que quarante lits, les fenêtres latérales pouvant être ouvertes, et le vaisseau étant fort élevé, ventilé par les trous percés dans le lambrissage de la charpente, on peut admettre que les conditions de salubrité étaient bonnes.

Pour faire saisir à nos lecteurs la disposition des cellules et des galeries de surveillance, nous présentons (8) une vue perspective d’une des travées de la salle.

Les fenêtres de la galerie étaient garnies de vitraux en grisaille, celles du sanctuaire en vitraux colorés. Une longue flèche en charpente surmontait ce sanctuaire ; elle était couverte de plomberie peinte et dorée, et ne fut détruite qu’en 1793. Toute la charpente de la salle est couverte en tuiles vernies avec faîtières en terre cuite émaillée.