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LABYRINTHE, s. m. Il était d’usage, pendant le moyen âge, de disposer, au milieu de la nef de certaines grandes églises, des pavages de pierres blanches et noires ou de carreaux de couleur formant, par leurs combinaisons, des méandres compliqués auxquels on donnait le nom de labyrinthe, de chemin de Jérusalem ou de la Lieue. Nous ne saurions dire quelle fut l’origine de ces sortes de pavages. M. Louis Pâris, dans son Mémoire du mobilier de Notre-Dame de Reims, prétend que ces pavages étaient une réminiscence de quelque tradition païenne : c’est possible ; cependant il n’en est fait mention ni dans Guillaume Durand, ni dans les auteurs antérieurs à lui qui ont écrit sur les choses touchant aux églises. Les plus anciens labyrinthes que nous connaissions ne sont pas antérieurs à la fin du XIIe siècle, et le seigneur de Caumont, dans son Voyaige d’oultremer en Jhérusalem[1], en parlant du labyrinthe de Crète[2], ne dit rien qui puisse faire croire à une tradition de cette nature, c’est-à-dire qu’il n’établit aucun point de comparaison entre le labyrinthe du Minotaure et ceux qu’il avait évidemment vus tracés sur le pavé des églises de son pays. Le labyrinthe de la cathédrale de Reims s’appelait dédale, méandre, lieue ou chemin de Jérusalem. Quelques archéologues ont voulu voir, dans ces pavés à combinaisons de lignes concentriques, un jeu des maîtres des œuvres, en se fondant sur ce fait, que trois de ces labyrinthes, ceux de Chartres, de Reims et d’Amiens, représentaient, dans certains compartiments, les figures des architectes qui avaient élevé ces cathédrales. Nous nous garderons de trancher la question. On trouve les tracés de la plupart de ces labyrinthes dans l’ouvrage de M. Amé intitulé : Carrelages émaillés du moyen âge et de la Renaissance. M. Vallet, dans sa description de la crypte de Saint-Bertin de Saint-Omer, établit que les fidèles devaient suivre à genoux les nombreux lacets tracés par les lignes de ces méandres, en mémoire du trajet que fit Jésus de Jérusalem au Calvaire. La petite basilique de Reparatus à Orléans-Ville (Algérie) montre, sur son pavé, une mosaïque que l’on peut prendre pour un de ces labyrinthes, c’est-à-dire un méandre compliqué. Or cette basilique date de 328, ainsi que le croit M. F. Prévost. Cet usage est-il venu d’Orient après les premières croisades ? ou est-il une tradition locale ? Nous inclinons à penser que la représentation des maîtres de l’œuvre sur ces pavages les rattacherait à quelque symbole maçonnique adopté par l’école des maîtres laïques, d’autant que nous ne voyons apparaître ces labyrinthes sur les pavages des églises qu’au

  1. En 1418. Publié par M. le marquis de la Grange. Paris, A. Aubry, 1858.
  2. Page 41.