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Au sommet de l’escalier de la Chambre des Comptes, à Paris, il y avait ainsi un vestibule non vitré qui pouvait bien passer pour une loge (voyez Escalier, figure 3). Ce vestibule se composait de deux travées ouvertes sur la cour de la Sainte-Chapelle ; ses arcades, dépourvues de vitrages comme celles de l’escalier, étaient flanquées de contre-forts décorés de statues[1]. La loge, premier vestibule de la chambre, était fort riche, ainsi qu’on en peut juger par notre figure 5, qui en donne une perspective extérieure. Au-dessous, à rez-de-chaussée, était la porte des logements du premier huissier et du receveur des épices. Le grand palier couvert que nous donnons ici comme une loge tenait lieu de petite salle des pas-perdus. Nous possédons à Paris un monument très-remarquable par le style de son architecture et qui était traité à la manière des loges italiennes, c’est le monument dont on a fait la fontaine des Innocents. Cette loge se composait de trois arcades, deux de face et une en retour. Dans le soubassement, au-dessous de l’arcade en retour, sur la rue, en dehors, était une fontaine. Des balustrades se trouvaient entre les pieds-droits[2]. La loge et fontaine des Innocents était élevée au coin de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers. Pierre Lescot en fut l’architecte et Jean Goujon le sculpteur. En 1785, on la déposa pièce à pièce et on en fit le monument que nous avons vu restaurer depuis peu, monument auquel il est bien difficile aujourd’hui de donner une signification, car on ne comprend pas trop pourquoi on a eu l’idée de placer une fontaine jaillissante à six ou huit mètres de hauteur au-dessus du sol, et pourquoi, la mettant si haut, on a jugé nécessaire de la faire couler à l’abri de la pluie, sous un dôme. On admet une fontaine couverte si elle est à la portée des passants, mais un jet d’eau couronnant une pyramide de cuvettes n’a vraiment pas besoin de parapluie. Après tout, les charmantes sculptures du monument nous restent, et il y aurait mauvaise grâce à se plaindre des transformations étranges qu’on a fait subir à l’architecture de Pierre Lescot.

LUCARNE, s. f. Baie ouverte dans les rampants d’un comble, destinée à éclairer les galetas. Pendant le moyen âge on a fait des lucarnes avec devanture en pierre, d’autres entièrement en bois apparent ou recouvert de plomb ou d’ardoises. Les lucarnes n’ont toutefois été adoptées que lorsque les combles ont pris une grande importance. Pendant la période romane, les charpentes des combles étant généralement plates, il n’y avait pas lieu de les éclairer par des lucarnes, puisqu’on ne pouvait y ménager des logements ; mais, à dater du XIIIe siècle, les bâtiments d’habitation furent couronnés par des combles formant, en coupe, un triangle équilatéral au moins ; on utilisait la partie inférieure de ces combles en y pratiquant des chambres éclairées et aérées par des lucarnes. Plus tard,

  1. Voyez l’œuvre d’Israël Silvestre, Mérian, et, dans la Topographie de la France, Bibl. imp., de grands dessins de la façade de la Chambre des Comptes.
  2. Voyez l’œuvre d’Israël Sylvestre, Marot, Mérian, Félibien.