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geville, » dit M. Vitet dans son excellente histoire de Dieppe[1], « ancien domaine de la famille de Longueil ; la beauté du pays, la proximité de Dieppe, l’engagèrent à démolir le vieux castel pour s’y faire bâtir un manoir à la moderne et à sa fantaisie. C’est ce manoir dont il reste encore quelques corps de logis convertis en ferme, mais que, par une antique habitude, les habitants du pays ne connaissent et ne désignent jamais que sous le nom de château. » Ce manoir était considérable en étendue puisque Ango put y recevoir le roi François Ier. Mais, ainsi que nous l’avons dit déjà, les manoirs au XVIe siècle remplaçaient le château. Azay-le-Rideau, Meillant, Chenonceaux, Anet, par leurs dispositions et leur destination, appartiennent aux manoirs bien plus qu’aux châteaux et se rapprochent singulièrement de la villa antique. Le château symétrique du règne de Louis XIV a fait disparaître les dernières traces du manoir, puisque depuis cette époque les simples maisons de campagne ont cherché à copier, en petit, ces masses pondérées, régulières, qui distinguent particulièrement, en France, le château de la fin du XVIIe siècle entre toutes les habitations des siècles précédents. Mais il y a dans les dispositions des grands châteaux du XVIIe siècle, tels que ceux de Richelieu, de Coulommiers, de Maisons, de Monceaux, de Vaux, etc., une certaine ampleur, une majesté qui conviennent à ces demeures princières, et qui réflètent l’existence large des seigneurs d’un puissant pays qui n’ont pas besoin de se renfermer dans leurs demeures comme les barons du moyen âge ; cette ampleur et cette majesté, réduites aux proportions de l’habitation d’un bourgeois servi par deux ou trois domestiques, deviennent des ridicules. En cela, nos voisins les Anglais ont mieux su garder la mesure, et leurs petites maisons de campagne sont bien, aujourd’hui, la demeure des particuliers dont la fortune et les goûts sont modestes, et qui préfèrent les commodités intérieures à la satisfaction vaine d’élever un diminutif de château.

MARBRE, s. m. Calcaire cristallisé, dur, recevant le poli. — En France, on a peu employé le marbre, pendant le moyen âge ; d’abord parce que cette matière n’y est pas très-commune, puis parce que son emploi exige des frais considérables. Les architectes romans des premiers temps dépouillèrent souvent des monuments antiques de leurs colonnes et de leurs chapiteaux pour les appliquer à leurs nouvelles bâtisses ; sous les premiers carlovingiens même, par un reste des traditions romaines, ils firent sculpter parfois des chapiteaux dans du marbre, mais ces exemples sont rares. Cette matière dure, longue à travailler, ne pouvait convenir à des artistes qui n’avaient plus les ressources suffisantes pour mener à fin des ouvrages de cette nature. Dans le midi de la France, l’emploi du marbre ne cessa pas cependant jusques vers le milieu du XIVe siècle, principalement dans le voisinage des Pyrénées. Il existe encore plusieurs

  1. Histoire de Dieppe, 4e partie, p. 451.