Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[goût]
— 31 —

GOUSSET, s. m. Pièce de bois horizontale posée diagonalement pour maintenir le roulement d’une enrayure composée de pièces assemblées d’équerre (1). A est un gousset (voy. Charpente).

GOUT, s. m. Un homme d’esprit a dit : « Le manque de goût conduit au crime. » Le mot étant vrai, à notre sens, nous sommes entourés de criminels ou de gens disposés à le devenir. Le goût est l’habitude du beau et du bien ; pour être homme de goût, il est donc essentiel de discerner le bien du mal, le beau du laid. Le goût (car les définitions ne manquent pas, si la qualité est rare) est encore le respect pour le vrai ; nous n’admettons pas qu’on puisse être artiste de goût sans être homme de goût, car le goût n’est pas un avantage matériel, comme l’adresse de la main, mais un développement raisonné des facultés intellectuelles. C’est ce qui fait que nous rencontrons dans le monde nombre d’artistes habiles qui, malgré leur talent, n’ont pas de goût, et quelques amateurs qui sont gens de goût, sans pour cela pratiquer les arts. On considère, en général, parmi les artistes, les amateurs comme un fléau, comme des usurpateurs dont l’influence est pernicieuse. Non-seulement nous ne partageons pas cette opinion, mais nous croyons que si le goût tient encore une place en France, c’est principalement au public que nous devons cet avantage. Nous prétendons ne parler ici que de l’architecture. Nous ne saurions admettre qu’un architecte obéissant à des intérêts étroits, à des passions mesquines, dont le caractère n’est ni respectable ni respecté, puisse mettre du goût dans ses œuvres. L’homme de goût ne ment pas à sa conscience, il exprime ses pensées par les moyens les plus naturels. Avoir du goût dans les arts, c’est aimer le vrai, c’est savoir l’exprimer simplement ; c’est repousser l’exagération, toujours fausse ; c’est laisser voir le côté moral de l’homme, sa raison, ses affections, ses tendances et son but. Si donc ce côté moral est faible, si la raison est obscure, si les affections sont basses et le but vulgaire ou odieux, il est difficile que le goût soit satisfait.

Le bon goût, comme la vérité, ne s’impose pas, il persuade ; et le jour où l’on vient dire : « Voici l’expression du bon goût », on ne se contentera pas de votre affirmation, il faudra plus que cela ; il faudra que cette