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Nous avons vu dans beaucoup de châteaux, d’abbayes et d’officialités, des cachots, des vade in pace ; mais nous ne connaissons que trois oubliettes considérées comme telles avec quelque raison. Les unes se trouvaient au château Chinon, les secondes à la Bastille et les troisièmes dans celui de Pierrefonds. Il faut constater aussi que les romans et les chroniques du moyen âge parlent souvent de chartres, de cachots ; mais d’oubliettes, il n’en est pas question. Nous ne serions pas éloigné de croire que les oubliettes du château Chinon sont des latrines, ce qui réduirait les exemples cités à deux.


« Nous devons avertir nos lecteurs, dit M. Mérimée dans les Instructions du comité historique des arts et monuments[1], de se tenir en garde contre les traditions locales qui s’attachent aux souterrains des donjons. On donne trop souvent au moyen âge des couleurs atroces, et l’imagination accepte trop facilement les scènes d’horreurs que les romanciers placent dans de semblables lieux. Combien de celliers et de magasins de bois n’ont pas été pris pour d’affreux cachots ! Combien d’os, débris de cuisines, n’ont pas été regardés comme les restes des victimes de la tyrannie féodale ! C’est avec la même réserve qu’il faut examiner les cachots désignés sous le nom d’oubliettes, espèces de puits où l’on descendait des prisonniers destinés à périr de faim, ou bien qu’on tuait en les y précipitant d’un lieu élevé dont le plancher se dérobait sous leurs pieds. Sans révoquer absolument en doute l’existence des oubliettes, on doit cependant les considérer comme fort rares, et ne les admettre que lorsqu’une semblable destination est bien démontrée. » Nous sommes d’autant plus disposé à considérer les oubliettes du château Chinon

  1. Collection de documents inédits sur l’hist. de France. Architecture militaire, p.74.