Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[gâble]
— 4 —

on posait les tympans sur les formerets ou archivoltes de fenêtres, ainsi que les bouts de corniches et de bahuts manquants. Des tuyaux ménagés dans les piles D (voy. le tracé B) jetaient les eaux des chéneaux E dans les gargouilles C, qui avaient ainsi été utilisées avec les couvertures provisoires et avec les couvertures définitives. Mais les yeux s’étaient habitués à voir ces gâbles de bois surmontant les formerets des voûtes, interrompant les lignes horizontales des corniches et bahuts. Lorsqu’on les enlevait, souvent les couronnements des édifices achevés devaient paraître froids et pauvres ; les architectes eurent donc l’idée de substituer à ces constructions provisoires, dont l’effet était agréable, des gâbles en pierre. C’est ce que Pierre de Montereau fit à la Sainte-Chapelle de Paris dès 1245[1]. Cet exemple fut suivi fréquemment vers la fin du XIIIe siècle, et notamment autour du chœur de la cathédrale d’Amiens ; puis, plus tard, à Cologne.

Pendant la seconde moitié du XIIIe siècle, les gâbles de pierre devinrent ainsi un motif de décoration souvent employé. Les portails nord et sud du transsept de la cathédrale de Paris, dont la construction date de 1257, sont surmontés de gâbles qui ne remplissent aucune fonction utile, mais qui terminent les archivoltes par de grands triangles en partie ajourés, rompant la monotonie des lignes horizontales de ces immenses pignons.

Voici (3) le gâble du portail méridional de Notre-Dame de Paris. La balustrade et la galerie passent derrière ce gâble, qui n’est autre chose qu’un mur triangulaire isolé de 0,33 c. d’épaisseur. D’autres gâbles, plus petits, surmontent les niches qui accompagnent ce portail, et forment ainsi une grande dentelure à la base de l’édifice. Nous avons dit ailleurs[2] comment les constructeurs du moyen âge s’étaient servis de ces gâbles décoratifs pour charger les sommets des arcs-formerets et empêcher leur gauchissement.

Les trois portails de la cathédrale d’Amiens, très-profonds, compris entre de larges contre-forts saillants, sont couverts par des combles à double pente fermés par des gâbles pleins, donnant un angle presque droit au sommet et décorés seulement par des crochets rampants et un fleuron de couronnement. À la cathédrale de Laon, la même disposition a été adoptée ; mais l’architecte de la façade de la cathédrale de Reims, vers 1260, voulut, tout en conservant ce principe, donner aux gâbles des trois portails une richesse sans égale.

Le gâble du portail central (4) représente le Couronnement de la Vierge de grandeur colossale, surmonté d’une succession de dais s’étageant, en manière de gradins, jusqu’au sommet du triangle. La statuaire est ronde-bosse ; les saillies sont prononcées au point de faire presque oublier la forme primitive du gâble. Ici les lignes de l’architecture sont détruites par la sculpture.

Le XIVe siècle, tout en donnant aux gâbles une grande richesse de

  1. Voy. Fenêtre, fig. 19.
  2. Voy. Construction, fig. 108.