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colonnettes, celles-ci sont simplement colorées de tons alternativement jaunes et rouges, avec gorges noires ou rouges garnies de carrés noirs et filets blancs ; les chapiteaux ont leurs feuillages peints en ocre jaune sur fond brun sombre. À l’entrée du chœur, des demi-colonnes G d’un assez fort diamètre, 0m,40, sont décorées de peintures dont nous donnons le détail développé en G′. Ce sont des carrés à quatre lobes alternativement vert bleu et ocre jaune, sur les fonds desquels se détachent des ornements jaune foncé sur le bleu verdâtre, blancs sur le jaune. Les intervalles t sont ocre jaune, avec ornements blancs dont nous traçons un fragment à une plus grande échelle en S. Les carrés lobés sont cernés d’un trait brun rouge et d’un champ blanc. Les filets externes de la demi-colonne sont blancs, brun rouge et ocre jaune. Sous les fenêtres il règne une arcature très-riche[1] peinte d’écus armoyés sur des fonds verts. Des mitres surmontent les écus. Les boudins sont ornés de torsades blanches, noires et rouges ; les gorges, de tons verts, avec carrés semés noirs. Des filets blancs et rouges bordent les fonds. Malgré l’éclat des vitraux, cette coloration se soutient et s’harmonise parfaitement avec les tons translucides. Ces voûtes à triangles blancs et rouges alternés, avec leurs bandes de clefs d’un ton brillant, et leurs bordures riches, sont d’un effet très-chaud et très-solide. Les membres de l’architecture, vivement détachés par des détails très-fins où le noir joue un rôle important, se distinguent bien des remplissages, tout en paraissant légers. Ces peintures datent du commencement du XIVe siècle, comme la construction elle-même.

Il était nécessaire de prendre un parti franc lorsqu’on prétendait décorer de peintures l’architecture dite gothique. Il fallait que cette peinture laissât dominer entièrement l’éclat des vitraux colorés, ou qu’elle pût soutenir cet éclat et y participer ; il était important surtout que les formes de la construction, qui ont une si grande importance à dater du XIIIe siècle dans les édifices, fussent accusées nettement par le système de peinture. Si l’on admettait les voûtes bleues étoilées d’or, par exemple, il fallait que les nervures des voûtes fussent assez brillamment colorées pour soutenir ces fonds puissants de ton et les renvoyer pour ainsi dire à un autre plan. L’or était d’un grand secours en ces occasions, ainsi que le noir cernant des tons vifs, comme le vermillon et le vert. La peinture des nerfs de voûtes ainsi montée, il fallait, pour la soutenir, des tons non moins vifs sur les faisceaux composant les piles, d’autant que le rayonnement des couleurs des vitraux tendait à atténuer la coloration de ces piles, souvent très-minces. Ce n’était alors que par des gorges d’un ton très-chaud et très-sombre, comme le brun rouge glacé de laque, ou le pourpre très-puissant, ou le noir brun, que l’on pouvait combattre le grisonnement que répandait le rayonnement des verrières sur ces sur-

  1. Voyez à l’article Construction la figure 111, qui donne une coupe de l’entrée de ce chœur.