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[palais]
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bres derrière, laissa pour l’empereur et son filz ; et il fu logiés ès chambres et galatois que son père le roy Jehan fist faire[1]. »

Il est certain que ces palais, ces grandes résidences seigneuriales, au moyen âge, s’élevaient successivement. Suivant une habitude que nous voyons encore observée en Orient, chaque prince ajoutait aux bâtiments qu’il trouvait debout, un logis, une salle, suivant les goûts ou les besoins du moment. Il n’y avait pas de projet d’ensemble suivi méthodiquement, exécuté par fractions, et loin de se conformer à une disposition unique, les seigneurs qui faisaient ajouter quelque logis à la demeure de leurs prédécesseurs, prétendaient donner à l’œuvre nouvelle un caractère particulier ; ils marquaient ainsi leur passage, laissaient l’empreinte de leur époque en bâtissant un logis tout neuf, suivant le goût du jour, plutôt que d’approprier d’anciens bâtiments. Ces résidences présentent donc de la variété non-seulement dans les parties qui les composent, mais aussi entre elles, et si leur programme est le même, la manière dont il a été interprété diffère dans chaque province. Ici la chapelle prend une importance considérable, là elle se réduit aux proportions d’un oratoire. Dans tel palais, le donjon est un ouvrage de défense important ; dans tel autre, il ne consiste qu’en une bâtisse un peu plus épaisse et un peu plus élevée que le reste du logis. Seule la grand’salle occupe toujours une vaste surface, car c’est là une partie essentielle, c’est le signe de la juridiction seigneuriale, le lieu des grandes assemblées ; comme dans les châteaux, elle possède un large perron et s’élève sur des celliers voûtés. À Troyes, par exemple, le palais des comtes de Champagne, accolé à l’église Saint-Étienne, qui lui servait de chapelle, n’avait, relativement à l’édifice religieux, qu’une étendue assez médiocre ; ses logements étaient peu nombreux, mais la grand’salle avait 52 mètres de longueur sur 20 mètres environ de largeur. Une tour carrée, accolée au flanc nord de l’église et dépendant de celle-ci, servait de trésor et de donjon. Les pièces destinées à l’habitation, renfermées dans un premier étage sur rez-de-chaussée voûté, étaient placées en enfilade sur l’un des flancs de la grand’salle et devant l’église du côté ouest ; elles donnaient sur un bras de la Seine. Un jardin du côté du midi et une place du côté septentrional bornaient le palais ; c’était sur cette place que s’étendait le large perron servant d’entrée principale à la grand’salle[2]. Du reste, le palais de Troyes cessa d’être la demeure des comtes de Champagne dès 1220 ; ceux-ci préférèrent établir leur résidence à Provins.

Le palais des comtes de Poitiers est un de ceux qui, en France, ont conservé peut-être les plus beaux restes. Bâti sur des ruines romaines par les Carlovingiens, puis détruit à plusieurs reprises, il fut réédifié par

  1. Le Livre des faits et bonnes meurs du sage roy Charles, chap. XXXVIII. Christine de Pisan.
  2. Voyez le plan de ce palais dans le Voyage archéol. dans le département de l’Aube par A. F. Arnaud (1837). Ce palais est entièrement rasé.