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sente des solives refendues E suivant leur diagonale, et posées comme le fait voir la figure 5. Dans l’angle rentrant formé par la juxtaposition de ces solives sont clouées des chanlattes I, puis sur le tout des madriers K, en travers. Ces solives s’assemblent dans des poutres, dont nous donnons la demi-section en L. Quelquefois les angles saillants de ces solives refendues sont chanfreinés, ce qui donne au plafond une apparence de légèreté peu commune. La mode du majestueux (car le majestueux est une des modes les plus durables en ce pays, qui en change si volontiers) a détruit ou recouvert de lattis beaucoup de ces plafonds du moyen âge ou de la renaissance. Il faut être à la piste des démolitions de nos plus vieux hôtels pour découvrir sous des plâtrages des combinaisons souvent très-ingénieuses. C’est ainsi, par exemple, que lors de la démolition de l’hôtel de la Trémoille, à Paris, nous avons vu sous des lattis recouverts de moulures de plâtre, des solivages très-délicatement travaillés, posés sur des poutres et formant une suite de gracieux caissons carrés. C’était une combinaison analogue à celle donnée dans la figure 3, si ce n’est que les entretoises étaient assemblées à tiers de bois avec les solives et laissaient des intervalles parfaitement carrés. Chacun de ces intervalles était rempli par un panneau sculpté d’arabesques ; le tout avait été peint et doré. L’Angleterre, plus conservatrice que nous de ses vieux édifices (ce qui ne l’empêche pas d’être à la tête des idées de progrès), possède encore de beaux plafonds des XVe et XVIe siècles, en bois mouluré et sculpté. Si les portées des poutres étaient très-longues, celles-ci étaient souvent armées, c’est-à-dire composées de deux moises pinçant deux pièces inclinées formant arbalétriers ou surmontées de deux véritables arbalétriers noyés dans l’épaisseur du solivage et du carrelage. Des étriers en fer forgé et orné suspendaient la poutre aux deux arbalétriers ; ces étriers contribuaient à la décoration de la poutre, et les moulures entaillées sur ses arêtes-vues s’arrêtaient au droit des ferrures. On voit fréquemment des plafonds figurés ainsi dans des vignettes de manuscrits du XVe siècle.

Comme on se fatigue de tout, même des choses qui ne sont justifiées ni par la raison ni par le goût, nous pouvons espérer voir abandonner un jour les lourds plafonds à voussures et à gros caissons, à figures ronde bosse et à draperies entremêlées de guirlandes et de pots, si fort en vogue depuis le règne de Louis XIV, et revenir aux plafonds dont la forme serait indiquée par la structure, qu’elle soit en bois ou en fer.

Il faut observer ici que dès le XVe siècle, entre les solives des planchers, on faisait souvent des entrevous en plâtre enduits sur bardeaux, posés sur tasseaux cloués aux deux tiers de l’épaisseur de la solive, tant pour empêcher la poussière de tamiser entre les languettes des planches de recouvrement que pour éviter la sonorité des planchers entièrement en bois. Ces entrevous étaient peints et même quelquefois décorés de reliefs en plâtre. On voit quelques plafonds de ce genre dans de vieilles