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vrant par une baie dans l’étage supérieur. Au-dessus des mâchicoulis, couverts par de grandes dalles, sont percés quatre créneaux très-rapprochés, permettant le tir de l’arbalète suivant un angle plus ou moins ouvert. Le premier et le second étage sont chacun percés d’une seule archère sur chaque face. L’avant-bec que l’on voit dans notre figure indique le système adopté par le maître de l’œuvre pour élever la construction. Ces avant-becs sont percés parallèlement au tablier, à la hauteur de la naissance des arches, de passages au-dessous desquels on voit trois trous destinés à poser des sapines en travers, et un petit plancher formant passerelle. Les cintres des arches étaient eux-mêmes posés dans des trous de scellement restés apparents. Ainsi le service des maçons se faisait par cette passerelle à travers les avant-becs. Sur cette passerelle les matériaux étaient bardés, enlevés par des grues mobiles et posés sans nécessiter aucun autre échafaudage. Comme le fait observer M. Félix de Verneilh, dans la notice citée plus haut, les ponts du moyen âge étaient sujets à être coupés pendant les guerres continuelles de ces temps ; c’était là encore une raison qui obligeait les constructeurs de donner aux piles une forte épaisseur, car il ne fallait pas, si l’on était dans la nécessité de couper une arche, que les autres vinssent à fléchir. Mais aussi en prévision de cette éventualité, beaucoup de ponts de pierre avaient des travées mobiles en bois. Nous avons vu tout à l’heure que le pont de Saintes possédait deux portions de tabliers de charpente : l’un du côté du faubourg, l’autre du côté de la ville. Certains ponts de pierre étaient munis de véritables ponts-levis : tels étaient ceux de Poissy, d’Orléans, de Charenton, de la Guillotière à Lyon, de Montereau, etc. Parfois aussi les ponts ne se composaient que de piles de maçonnerie avec tabliers de charpente couverts ou découverts.

Les exemples que nous venons de donner démontrent assez l’importance des ponts pendant le moyen âge comme moyen de communication et comme défense. Certains ponts plantés au confluent de deux rivières se reliaient à de véritables forteresses : tel était, par exemple, le pont de Montereau. Vers l’an 1026, un comte de Sens avait fait construire sur l’extrémité de la langue de terre qui se trouve au confluent de l’Yonne et de la Seine un donjon carré très-fort qui servit de point d’appui à un vaste châtelet, auquel aboutissait le pont traversant les deux rivières. Ce pont était en outre fermé à ses deux extrémités par des portes fortifiées. Cet ensemble de défenses existait encore au XVIIe siècle, ainsi que le démontre la gravure de Mérian[1].

Le pont d’Orléans, sur la disposition duquel il reste de curieux documents, est, au point de vue de la défense, un exemple à consulter. Tout le monde sait de combien de faits d’armes il fut le témoin lors du siège entrepris en 1428 par les Anglais. Or voici, au moment de ce siège, quels étaient les ouvrages qui faisaient de ce pont une défense impor-

  1. Topogr. Galliæ.