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n’avait pas moins de 35 mètres de longueur sur 27 mètres de largeur, mais dont la construction ne remontait pas au delà du commencement du XIIIe siècle, ne possédait pas de premier étage ni de tribune, mais un autel et une chaire à prêcher se trouvaient placés près de la porte d’entrée de la basilique ; de cette chaire, comme de la tribune du narthex de Vézelay, ne préparait-on point les nombreux pèlerins qui remplissaient le porche, ou même les pénitents, à se pénétrer de la sainteté du lieu, avant de leur permettre d’entrer dans l’église ? L’affluence était telle au XIIe siècle dans les églises de l’ordre de Cluny, à certaines occasions, que l’on comprend assez comment les religieux n’ouvraient pas tout d’abord les portes du temple à la foule qui s’y rendait, afin d’éviter le désordre qui n’eut pas manqué de s’élever au milieu de pareilles cohues. Ces grands narthex nous paraissent être un lieu de préparation ; peut-être aussi servaient-ils à abriter les pèlerins qui, venus de loin, arrivaient avant l’ouverture des portes, et n’avaient ni les moyens ni la possibilité de se procurer un asile dans la ville. Ne voit-on pas, la nuit qui précède certaines grandes fêtes à Rome, les gens venus de la campagne passer la nuit sous les portiques de Saint-Pierre ?

Le porche de l’église abbatiale de Tournus date du XIe siècle ; c’est le plus ancien parmi ceux appartenant à l’ordre de Cluny.

La nef de l’église clunisienne de Vézelay actuelle, bâtie vraisemblablement par l’abbé Artaud et consacrée en 1104, ne possédait primitivement qu’un porche bas, peu profond, dont on voit encore des traces du côté du nord. Cette nef fut restaurée et reconstruite même en grande partie par l’abbé Renaud de Semur, vers 1120[1]. Le porche dut être construit peu après la mort de cet abbé, soit par l’abbé Albéric, soit par l’abbé Ponce, de 1130 à 1140[2], car, à dater de cette époque, le monastère de Vézelay eut, jusqu’en 1160 environ, des luttes si cruelles à soutenir, soit contre les comtes de Nevers, soit contre ses propres vassaux, qu’il n’est pas possible d’admettre que, pendant ces temps calamiteux, les religieux aient eu le loisir d’entreprendre une aussi vaste construction. D’ailleurs les caractères archéologiques de l’architecture de ce porche lui assignent la date de 1130 à 1140.

La construction du porche de Vézelay est certainement une des œuvres les plus remarquables du moyen âge. Ce porche est fermé, et présente, comme celui de Tournus, une ant-église de 25 mètres de largeur sur 21 mètres de longueur dans œuvre. Nous en donnons le plan (fig. 3) en A au niveau du rez-de-chaussée, en B au niveau des tribunes, car l’espace

  1. Cet abbé était neveu de saint Hugues, abbé de Cluny ; il fut fait archevêque de Lyon vers 1126, et fut inhumé à Cluny. Sa tombe, placée près de la colonne la plus proche du maître autel, portait cette inscription : « Hic : requiescit : Renald : II : quondam : abbas : et : reparator Vezeliacencis : et : postea : archiepisc… »
  2. Voyez la notice de M. Chérest, Congrès scientif. d’Auxerre, 1859, t., II, p. 193. D’après cette notice, le porche de Vézelay aurait été consacré en 1132.