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quatre colonnes portaient trois archivoltes surmontées de gâbles (voy. l’élévation G). Chacune de ces archivoltes inscrivait un triangle équilatéral, et les gâbles eux-mêmes étaient tracés suivant les deux côtés d’un triangle équilatéral. Si l’arcade centrale était entièrement à jour, celles des deux côtés étaient à moitié occupées par l’épaisseur des contre-forts, ainsi que le montre notre plan en E et en E′. Quant à l’ébrasement de la porte, il était disposé de telle façon, qu’en K il existait une boiserie formant tambour ou double porte. En C, est tracée la coupe du porche sur l m. La figure 28 donne la vue perspective du porche central de l’église de Saint-Nicaise de Reims. Si simple par son plan, cette composition était, en élévation, d’une grande richesse, mais sans que les détails nuisissent en rien à l’ensemble des lignes. D’abord l’architecte avait eu l’idée nouvelle de donner à ses porches l’aspect d’une de ces décorations que l’on dispose devant les façades d’églises les jours de grandes cérémonies. Sans contrarier la structure principale de l’architecture, ces arcades surmontées de gâbles forment une sorte de soubassement décoratif occupant toute la largeur de l’église et percé de baies au droit des portes. C’était comme un large échafaudage tout garni de tapisseries ; car on remarquera que les nus de ce soubassement sont ornés de fins reliefs fleurdelisés qui leur donnent l’aspect d’une tenture. Derrière cette architecture légère, et qui semble élevée pour une fête, se voyaient les portes richement décorées de bas-reliefs. Celle centrale, dont nous donnons la vue perspective (fig. 28), portait sur son trumeau la statue de saint Nicaise ; dans son tympan, le Christ assis sur le monde au jour du jugement, avec la Vierge et saint Jean à ses côtés et des anges adorateurs ; au-dessous, d’un côté, les élus ; de l’autre, les damnés, dont quelques-uns sont emmenés en enfer dans un chariot. Dans les écoinçons, deux anges sonnent de la trompette. Les douze apôtres étaient placés, non comme des statues dans des niches, mais comme des groupes de personnages dans les deux enfoncements pratiqués des deux côtés des pieds-droits de la porte. On voit comme, d’une disposition extrêmement simple comme plan, l’architecte Libergier avait su faire un ensemble très-décoratif et facile à suivre d’un coup d’œil[1]. Les deux porches donnant dans l’axe des collatéraux ne se composaient chacun que d’une seule arcade percée entre les deux gros contre-forts des clochers. Cette arcade, surmontée d’un gâble, comme celles du porche central, avait 12 pieds d’ouverture (2 toises). Mais comme ces portes latérales étaient celles qui servaient habituellement (la porte centrale n’étant ouverte que pour les

  1. L’église de Saint-Nicaise a été démolie depuis la fin du dernier siècle. En ordonnant cette démolition, les gens de Reims ont privé leur ville et la France d’un des plus beaux monuments de l’art au XIIIe siècle. Heureusement les documents sur cet édifice ne font pas trop défaut ; on en possède des plans et quelques gravures, entre autres celle de la façade, qui est un véritable chef-d’œuvre et qui est due au graveur rémois De-Son. Cette pièce rare date de 1625.