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Thibaut, ingénieur, en date du 29 mars de la même année) elles menaçaient ruine ; un tableau déposé dans la bibliothèque d’Avignon et plusieurs gravures nous en ont conservé la forme. Quant aux couronnements des tours, notamment ceux de la tour de Trouillas, ils ne furent complètement détruits qu’au commencement de ce siècle, et sont également représentés dans les tableaux et gravures du XVIIe siècle. Le palais des papes possède sept tours qui sont : 1o la tour de Trouillas, 2o de la Gache[1], 3o de Saint-Jean, 4o de Saint-Laurent, 5o de la Cloche, 6o des Anges[2], 7o de l’Estrapade.

Les légats habitèrent le palais d’Avignon, après le départ de l’antipape Benoît XIII, et y firent quelques travaux, entre autres le cardinal d’Armagnac, en 1569 ; mais cette vaste habitation était fort délabrée et « fort mal logeable », comme le dit Ch. de Brosses, pendant le dernier siècle. Aujourd’hui, c’est à grand’peine que l’on peut reconnaître les dispositions intérieures à travers les planchers et les cloisons qui coupent les étages, pour loger de la troupe[3].

Ce dernier exemple indique, comme les précédents, que la question de symétrie n’était point soulevée lorsqu’il s’agissait de bâtir des palais pendant le moyen âge. On cherchait à placer les services suivant le terrain ou l’orientation la plus favorable, suivant les besoins, et l’on donnait à chaque corps de logis la forme, l’apparence qui convenaient à sa destination.

Tous les palais épiscopaux n’avaient pas en France cet aspect de forteresse. Le palais archiépiscopal de Rouen, le palais épiscopal d’Évreux, celui de Beauvais, rebâtis presque entièrement au XVe siècle, ressemblaient fort à des hôtels princiers s’ouvrant sur les dehors par de larges fenêtres, et ne possédant plus de tours de défense. Quant aux rois de France, à dater de la fin du XIVe siècle, lorsqu’ils résidaient dans les villes, ils habitaient des hôtels. À Paris, le roi possédait plusieurs hôtels, et dans la plupart des bonnes villes on avait le logis du roi, qui souvent n’était qu’une résidence très modeste. Les châteaux furent préférés, on y jouissait d’une plus grande liberté. Les troubles qui remplirent la capitale pendant une grande partie du XVe siècle engagèrent les souverains à ne plus se fier qu’à de bonnes murailles à distance de la ville.

Les châteaux du Louvre, de la Bastille, de Vincennes, ceux des bords de la Loire, devinrent la résidence habituelle des rois de France, depuis les guerres de l’indépendance jusqu’au règne de François Ier. Les grands vassaux suivirent en cela l’exemple du souverain, et préféraient leurs

  1. Ce nom lui venait de ce qu’elle servait de guette. Du haut de la tour de la Gache la plus voisine de la façade de Notre-Dame des Doms et la plus élevée, voyez sur la façade) on donnait, à son de trompe, le signal du couvre-feu, on avertissait les habitants en cas d’incendie ou d’alarme.
  2. C’est la tour située entre la porte et la grande chapelle (voyez la façade).
  3. L’empereur Napoléon III a donné l’ordre, lors de son passage à Avignon, en 1860, de bâtir une caserne dans la ville, afin de pouvoir débarrasser et réparer ce magnifique palais.