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L’ensemble de cette composition, dont notre gravure ne peut rendre la grandeur et le caractère, forme ainsi un tout complet. D’abord la Vierge, dans son rôle de femme, élue pour détruire le règne du démon. Sa généalogie, les prophètes qui ont annoncé sa naissance ; sa mort, son couronnement dans le ciel. Puis les personnages qui ont inauguré l’ère chrétienne, saint Jean-Baptiste, saint Étienne, premier martyr, le pape saint Sylvestre et l’empereur Constantin ; et comme pour rattacher ce résumé au diocèse de Paris, saint Denis et sainte Geneviève. La Terre, la Mer, la révolution annuelle, assistent à cette épopée divine, et paraissent lui rendre un éternel hommage.

C’est ainsi que les artistes du commencement du XIIIe siècle savaient composer une porte de cathédrale. Et cependant que croyait-on voir dans tout cela il y a deux siècles ? Un symbole du grand œuvre, des figures cachant la découverte de la pierre philosophale ? Des ouvrages entiers ont été sérieusement écrits sur ces rêveries.

L’exécution répond en tout à la grandeur de la conception, et la statuaire de cette porte peut être mise au rang des plus belles œuvres dues aux artistes de l’Occident (voy. Statuaire).

La porte de la Vierge de la façade occidentale de Notre-Dame de Paris est certainement une des premières compositions en ce genre. Supérieure aux œuvres analogues du XIIIe siècle, elle atteint du premier coup l’apogée de l’art. Si l’on étudie cette porte en dehors des influences qui prétendent classer tous les ouvrages du moyen âge au-dessous de ceux de l’antiquité, on reconnaît bientôt que jamais l’alliance de l’architecture et de la statuaire n’a été plus intime. L’échelle des figures est observée avec une délicatesse rare : qualité qui manque presque toujours aux œuvres postérieures, et trop souvent à celles de l’antiquité. S’il y a des différences entre les dimensions de ces figures, elles ne sont pas assez sensibles pour que leur réunion ne forme pas un ensemble complet. Les statues qui garnissent les voussures sont en effet à mi-corps, afin de leur donner une échelle en rapport avec celles qui garnissent les tympans.

Autrefois cet ensemble était couvert de peintures et de dorures, dont les traces sont encore visibles.

La porte centrale de la même église, bien que très-belle, le cède à la porte de la Vierge, soit comme composition, soit comme perfection d’exécution.

Ce grand parti est suivi dans toutes nos cathédrales du XIIIe siècle. Cependant, parfois, les tympans des portes furent percés de claires-voies, de véritables fenêtres vitrées. Telles sont disposées, par exemple, les trois portes de la façade occidentale de la cathédrale de Reims. C’est là

    drale de Paris, par MM. de Guilhermy et Viollet-le-Duc, 1856. Les huit statues des ébrasements et celle de la Vierge, détruites à la fin du dernier siècle, ont été rétablies depuis peu.