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[pan de bois]
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menuiserie, et ceux aussi adoptés pour les constructions navales. La main-d’œuvre est considérable, comme dans toute structure primitive ; mais on observera que les ferrements ne sont admis nulle part. D’ailleurs le cube de bois employé est énorme, eu égard à la petite dimension de ce pan de bois de face ; les remplissages en maçonnerie ou en torchis, à peu près nuls. Au XIIIe siècle déjà, on élevait des pans de bois beaucoup plus légers, mieux combinés, dans lesquels la main-d’œuvre était économisée, et qui présentaient une parfaite solidité. Souvent, à cette époque, les solives des planchers portent sur les pans de bois de face, et servent à les relier avec les pans de bois intérieurs de refend.

Nous traçons (fig. 4) un de ces pans de bois, qui appartient, autant qu’on en peut juger par les profils, à la fin du XIIIe siècle[1]. Ici pas de murs pignons en maçonnerie, comme dans l’exemple précédent ; la construction est entièrement de charpente, et les mitoyennetés sont des pans de bois composés de sablières, de poteaux, de décharges et de tournisses. Les deux étages de pans de bois de face sont posés en encorbellement l’un sur l’autre, ainsi que l’indique le profil A. Les poteaux d’angle et d’axe de la façade B ont 22 et 24 centimètres d’équarrissage ; tous les autres, ainsi que les sablières et solives, n’ont que 17 à 19 centimètres. Les solives C des planchers posant sur les sablières hautes assemblées sur la tête des poteaux, sont soulagées par des goussets et liens D à l’intérieur et à l’extérieur, et peuvent ainsi recevoir à leur extrémité la sablière basse de l’étage au-dessus. Ces solives étant espacées de près d’un mètre, elles reçoivent de plus faibles solives, ou plutôt des lambourdes, sur lesquelles sont posés les bardeaux avec entrevous, aire et carrelage. Le roulement du pan de bois est maintenu par des décharges E assez fortes, et des croix de Saint-André sous les appuis des fenêtres. Un détail (fig. 5) explique l’assemblage des sablières a sur les poteaux b, des goussets et liens c, soit dans ces poteaux ; soit dans les solives e. On voit en g comment s’embrèvent les sablières basses h aux abouts des solives, et comment, entre chacune de ces solives, on a posé des entretoises moulurées i. Le tracé perspectif f montre l’une des solives désassemblée avec ses mortaises ; le tracé perspectif l figure le linteau m de la porte et son assemblage avec le poteau p, formant jambage. Quant au tracé géométral B, il explique l’assemblage marqué d’un b dans la figure 4.

Ce pan de bois est bien tracé ; les bois sont parfaitement équarris, les moulures nettement coupées, les assemblages faits avec soin. Il était, bien entendu, apparent ; les remplissages étaient hourdés en mortier et petit moellon enduits.

Nous avons signalé ailleurs[2] l’habileté des charpentiers du moyen âge, principalement pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles. Il ne faudrait pas croire que les constructions se bornaient alors à employer les pans de

  1. D’une maison de Châteaudun.
  2. Voyez l’article Charpente.