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[poteau]
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Nostre-Dame, aprez ceu que frere Ode le Roy, priour de seans, fuit retournez du chapitre gral dessus dit, il fit et ordonnoit de mettre les pots au cuer de l’eglise de seans, portant qu’il avoit vu altepart en aucune eglise et pensant qu’il y fesoit meilleur chanter et que il ly rèsonneroit plus fort. Et y furent mis tuis en ung jour on point tant douvrier quil souffisoit. Mais ie ne scay si on chante miex que on ne fesoit. Et cest une chose à croire que les murs en furet grandement crolley et deshochiet et becop de gens qui viennent seans sont bien merveillez que y soie fait. Et dixent aucune foix qui valeoit mieux quil furet apresent dehors, portant que bon pensoyt-il seroit là mis pour en prendre et jouyr à plaisir aux foux[1]. »

Efficace ou non, il est certain que ce mode de sonorité était admis pendant le moyen âge. Parfois aussi, et notamment dans l’église de Montréale citée plus haut, des poteries acoustiques ont été noyées dans les reins des voûtes, l’orifice des pots étant tourné vers l’intérieur.

M. Mandelgren, archéologue suédois, qui a publié un très-curieux ouvrage sur les monuments scandinaves du moyen âge, a constaté dans la plupart des églises relevées par lui, un grand nombre de ces poteries incrustées dans les murs et les voûtes, soit en Suède, soit en Danemark. Est-ce là une tradition antique ou scandinave, puisqu’en Normandie on trouve quantité de ces poteries ? Nous nous garderons de décider la question. En Russie, beaucoup d’églises dans le style pseudo-byzantin possèdent également des pots acoustiques. Cet usage aurait-il été transmis à la Russie par les grecs byzantins ?

POTEAU, s. m. (estaque). Pièce de bois posée verticalement et portant des poitrails, des sablières, et parfois des façades ou des planchers.

Les constructions de bois, si fréquemment employées pendant le moyen âge, exigeaient l’emploi de poteaux pour soutenir des pans de bois, des planchers, des appentis, etc. Ces poteaux restaient apparents, car les architectes du moyen âge avaient le bon esprit de ne jamais revêtir les bois de charpente d’enduits, de stucs qui les détruisent rapidement. Les laissant apparents, ils les façonnaient avec soin, les chanfreinant sur les arêtes, s’ils étaient à portée de la main, pour ne pas offenser les allants et venants et pour éviter la dégradation de ces arêtes. Beaucoup de nos maisons, de nos halles du XVe siècle, possèdent encore des poteaux isolés, travaillés avec soin et parfois même décorés de sculptures. Mais on peut citer comme un type de ces morceaux de charpente, les poteaux qui soutiennent le plancher et les combles de la douane de Constance ; aussi nous n’hésitons pas à les donner ici comme un résumé de ce que la charpente a su faire en ce genre de plus complet et de mieux entendu. La douane de Constance fut construite en 1388. Elle se compose d’un

  1. Voyez, dans les Annales archéologiques, t. XXII, p, 294, l’article de M. Didron sur les poteries acoustiques.