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n’employer que les terres et un très-petit nombre de couleurs minérales, contribuait à donner à ces peintures une harmonie très-douce et pour ainsi dire veloutée. Au XIIIe siècle, cette harmonie paraissant trop pâle en regard des vitraux colorés qui donnent des tons d’une intensité prodigieuse, on dut renoncer à la peinture à fresque, afin de pouvoir employer les oxydes de plomb, les verts de cuivre et même des laques. D’ailleurs, l’architecture adoptée ne permettant pas les enduits, il fallait bien trouver un procédé de peinture qui facilitât l’apposition directement sur la pierre. En effet, divers procédés furent employés. Les plus communs sont : la peinture à l’œuf, sorte de détrempe légère et solide ; la peinture à la colle de peau ou à la colle d’os, également très-durable lorsqu’elle n’est pas soumise à l’humidité. La plus solide est la peinture à la résine dissoute dans un alcool, mais ce procédé assez dispendieux, n’était employé que pour des travaux délicats. Quelquefois aussi on se contentait d’un lait de chaux appliqué comme assiette, et sur lequel on peignait à l’eau avant que cette couche de chaux, mise à la brosse, fût sèche. La peinture à l’huile très-clairement décrite par le moine Théophile, et adoptée avant lui, puisqu’il ne s’en donne pas comme l’inventeur, ne s’employait, ainsi que nous le disions plus haut, que sur des panneaux, à cause du temps qu’il fallait laisser à chaque couche pour qu’elle pût sécher au soleil, les siccatifs n’étant pas encore en usage[1].

La peinture à la gomme, employée au XIIe siècle, paraît avoir été fréquemment pratiquée par les peintres du XIIIe pour de menus objets, tels que retables, boiseries, etc. « Si vous voulez accélérer votre travail, dit Théophile[2], prenez de la gomme qui découle du cerisier ou du prunier, et la coupant en petites parcelles, placez-la dans un vase de terre ; versez de l’eau abondamment, puis exposez au soleil, ou bien, en hiver, sur un feu doux, jusqu’à ce que la gomme se liquéfie. Mêlez soigneusement au moyen d’une baguette, passez à travers un linge ; broyez les couleurs (avec) et appliquez-les. Toutes les couleurs et leurs mélanges peuvent être broyés et posés à l’aide de cette gomme, excepté le minium, la céruse et le carmin, qui doivent se broyer et s’appliquer avec du blanc d’œuf… » Ces peintures à la gomme, ou même à l’huile, étaient habituellement recouvertes d’un vernis composé de gomme arabique dissoute à chaud dans l’huile de lin[3] ; elles avaient ainsi un éclat extraordinaire.

Les artistes du XIIIe siècle, en peignant des sujets dans des salles gar-

  1. « On peut, dit Théophile, broyer les couleurs de toute espèce avec la même sorte d’huile (l’huile de lin), et les poser sur un ouvrage de bois, mais seulement pour les objets qui peuvent être séchés au soleil ; car, chaque fois qu’une couleur est appliquée, vous ne pouvez en apposer une autre, si la première n’est séchée : ce qui, dans les images et autres peintures, est long et très-ennuyeux. » (Liv. I, chap. xxvii.)
  2. Liv. I, chap. xxvii.
  3. Théoph., chap. XXI, De glutine vernition.