Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 7.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[peinture]
— 80 —

limite. Les peintres décorateurs du moyen âge, soit par instinct, soit bien plutôt par tradition, n’ont jamais coloré sans un appoint blanc ou noir, souvent avec tous les deux. Partant du simple au composé, nous allons expliquer leurs méthodes. Nous ne parlons que de la peinture des intérieurs, de celle éclairée par une lumière diffuse ; nous nous occuperons en dernier lieu de la peinture extérieure, c’est-à-dire éclairée par la lumière directe. Pendant la période du moyen âge, où la peinture monumentale joue un rôle important, nous observons que l’artiste adopte d’abord une tonalité dont il ne s’écarte pas dans un même lieu. Or, ces tonalités sont peu nombreuses, elles se réduisent à trois : la tonalité obtenue par le jaune et le rouge avec l’appoint lumineux et obscur, c’est-à-dire le blanc et le noir ; la tonalité obtenue avec le jaune, le rouge et le bleu, qui entraîne forcément les tons intermédiaires, c’est-à-dire le vert, le pourpre et l’orangé, toujours avec appoint blanc et noir, ou noir seul ; la tonalité obtenue à l’aide de tous les tons donnés par les trois couleurs, mais avec appoint d’or et l’élément obscur, le noir, les reflets lumineux de l’or remplaçant dans ce cas le blanc.

En supposant que le jaune vaille 1, le rouge 2, le bleu 3 : mêlant le jaune et le rouge, nous obtenons l’orangé, valeur 3 ; le jaune et le bleu, le vert, valeur 4 ; le rouge et le bleu, le pourpre, valeur 5. Si nous mettons des couleurs sur une surface, pour que l’effet harmonieux ne soit pas dépassé, posant seulement du jaune et du rouge, il faudra que la surface occupée par le jaune soit le double au moins de la surface occupée par le rouge. Mais si nous ajoutons du bleu à l’instant, l’harmonie devient plus compliquée ; la présence seule du bleu nécessite, ou une augmentation relative considérable des surfaces jaune et rouge, ou l’appoint des tons verts et pourpres, lesquels, comme le vert, ne devront pas être au-dessous du quart et le pourpre du cinquième de la surface totale. Ce sont là des règles élémentaires de l’harmonie de la peinture décorative des artistes du moyen âge. Aussi ont-ils rarement admis toutes les couleurs et les tons qui dérivent de leur mélange, à cause des difficultés innombrables qui résultent de leur juxtaposition et de l’importance relative que doit prendre chacun de ces tons, comme surface. Dans le cas de l’adoption des trois couleurs et de leurs dérivés, l’or devient un appoint indispensable, c’est lui qui est chargé de compléter ou même de rétablir l’harmonie. Revenant aux principes les plus simples, on peut obtenir une harmonie parfaite avec le jaune et le rouge (ocre rouge), surtout à l’aide de l’appoint blanc ; il est impossible d’obtenir une harmonie avec le jaune, et le bleu, ni même avec le rouge et le bleu, sans l’appoint de tons intermédiaires. Voudriez-vous décorer une salle toute blanche comme fond, avec des ornements rouges et bleus ou jaunes et bleus, même clairsemés, que l’harmonie serait impossible. Le rouge (ocre rouge) et le jaune (ocre jaune) étant les deux seules couleurs qui puissent, sans l’appoint d’autres tons, se trouver ensemble.

L’observation d’autres principes aussi élémentaires n’était pas moins