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[sculpture]
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reliefs de Vézelay, d’Autun, de Moissac, de Charlien, etc., étaient sculptés par des artistes envoyés d’Orient, ou s’ils étaient dus à des sculpteurs occidentaux travaillant sous une influence byzantine. Longtemps nous avons hésité devant ce problème; mais, après avoir examiné beaucoup de ces sculptures françaises, des sculptures et des peintures grecques, surtout des vignettes de manuscrits; après avoir réuni des dessins et des photographies en grand nombre pour établir des comparaisons immédiates, notre hésitation a dû cesser. D’ailleurs, si des artistes grecs avaient été appelés en France pour exécuter ces sculptures, ils auraient trahi leur origine sur quelques points, une inscription, un meuble, un ustensile. Rien de pareil ne se rencontre sur aucun de ces bas-reliefs. Tout est occidental, et encore une fois la sculpture des Byzantins à cette époque n’est pas traitée comme celle de ces bas-reliefs français.

Dans cette statuaire française que nous regardons comme dérivée de la peinture byzantine très-ancienne, — car certainement les vignettes de manuscrits servaient de types aux clunisiens, et ces manuscrits pouvaient être très-antérieurs au XIIe siècle, — une des qualités qui frappent le plus les personnes qui savent voir, c’est l’exactitude et la vérité saisissantes du geste. Or, quand on se rappelle à quel degré de barbarie était tombée la statuaire au Xe siècle, et combien cette qualité était oubliée alors, les artistes sortis des écoles de Cluny avaient dû recourir à des modèles d’une grande valeur, comme art, pour se former.

Mais il en est de ce fait historique comme de bien d’autres, il faut se garder d’établir un système sur un seul groupe d’observations. Ce qui est vrai ici peut être erroné là. Si les clunisiens sont parvenus, au commencement du XIIe siècle, à former une école de sculpteurs avec les éléments que nous venons d’indiquer, il est évident que sur les bords du Rhin, qu’en Provence et à Toulouse, l’influence byzantine s’était fait sentir dès avant les premières croisades, et avait permis de constituer des écoles de sculpture relativement florissantes. Sur les bords du Rhin, les efforts que Charlemagne avait fait pour faire renaître les arts avaient porté quelques fruits. Ce prince s’était entouré d’artistes byzantins, avait reçu de Byzance et de Syrie des présents considérables en objets d’art. Depuis son règne, les traditions introduites par les artistes orientaux, les objets réunis dans les monastères, dans les palais, avaient permis de former une école pseudo-byzantine, qui ne laissait pas d’avoir une certaine valeur relative. En Provence, dans une partie du Languedoc, et à Toulouse notamment, une autre école s’était constituée dès le XIe siècle, en s’appuyant sur les exemples si nombreux d’objets d’art rapportés d’Orient par le commerce de la Méditerranée.

Au Xe siècle, les Vénitiens avaient des comptoirs dans un certain nombre de villes du Midi et jusqu’à Limoges. Ces négociants fournissaient les provinces du Midi et du Centre d’étoffes de soie orientales, de bijoux, de coffrets et ustensiles d’ivoire et de métal fabriqués à Constantinople, à Damas, à Antioche, à Tyr. Il suffit de voir les sculptures