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[sculpture]
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Nous allons voir comment l’idée se dégage pendant le moyen âge, des tentatives faites par les écoles de statuaires du XIIe siècle. Nous avons essayé de faire sentir comment ces statuaires instruits par les méthodes byzantines, avaient peu à peu laissé de côté l’hiératisme byzantin et avaient cherché l’individualisme, c’est-à-dire s’étaient mis à copier fidèlement des types qu’ils avaient sous les yeux. Toutes les écoles cependant ne procédaient pas de la même manière ; pendant que celles du Nord passaient de l’hiératisme au réalisme ou plutôt mêlaient les traditions, les méthodes et le faire du byzantin à une imitation scrupuleuse dans les nus, les têtes, les pieds, les mains, d’autres écoles manifestaient d’autres tendances. La belle école de Toulouse penchait vers une exécution de plus en plus délicate, étudiait avec scrupule le geste, les draperies, l’expression dramatique. L’école provençale, sous l’influence de la sculpture gallo-romaine se dégageait bien difficilement de ces modèles si nombreux sur le sol. Une autre école faisait des efforts pour épurer les méthodes byzantines sans chercher la préciosité de l’école toulousaine ni pencher vers le réalisme des écoles du Nord.

Cette école a laissé des traces d’Angoulême à Cahors et occupe un demi-cercle dont une branche naît dans la Charente, se développant vers Angoulême, Limoges, Uzerche, Tulle, Brives, Souillac et Cahors. Sur ce point, elle joint à Moissac l’école de Toulouse. On sait que dès une époque fort reculée du moyen âge il y avait à Limoges des comptoirs vénitiens. Il ne serait donc pas surprenant que les villes que nous venons de signaler eussent eu des rapports très-étendus et fréquents avec l’Orient. Aussi la statuaire dans ces contrées prend un caractère de grandeur et de noblesse qu’elle n’a point à Toulouse. Il semblerait que l’influence byzantine fût plus pure ou du moins qu’ayant commencé plutôt, elle eût donné le temps aux artistes locaux de se développer avant la réaction de la fin du XIIe siècle. En effet, à Cahors, sur le tympan de la porte septentrionale de la cathédrale qui paraît appartenir au commencement du XIIe siècle, il existe un grand bas-relief d’une beauté de style laissant assez loin les sculptures de la même époque que l’on voit à Toulouse et dans les provinces de l’Ouest. De ce bas-relief nous donnons le Christ (fig. 14) qui en occupe le centre dans une auréole allongée. Cette belle sculpture contemporaine, ou peu s’en faut, de celle de la porte de Vézelay, n’en a pas la sécheresse et l’âpreté. Mieux modelée, plus savante, sans accuser les tendances au réalisme des écoles du Nord, ni l’afféterie de celle de Toulouse, elle indique un état relativement avancé sur une voie très-large, une recherche du beau dans la forme qui n’existe nulle part ailleurs sur le sol français à la même époque.

En effet, la sculpture ne peut être considérée comme un art que du jour où elle se met à la recherche de l’idéal. Le XIIe siècle est une époque de préparation ; les artistes sont occupés à apprendre leur état, mais — grâce à cette liberté d’allure qui, en France, finit toujours par prendre le dessus, — tentent de se soustraire à l’hiératisme byzantin,