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[sculpture]
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mettent la variété dans la composition des chapiteaux d’un même ordre, dans les ornements des linteaux, des tympans et frises d’un même monument. Bien entendu, nos artistes occidentaux suivirent en cela leur exemple, et se gardèrent de recourir à la majestueuse monotonie de l’ornementation des monuments gallo-romains, lorsqu’ils reprirent en main la pratique des arts.

Avant de passer outre, il nous paraît utile de définir, s’il est possible, cet art byzantin auquel nous faisons appel à chaque instant ; comment, en effet, observer la nature de son influence si nous n’en connaissons ni les éléments divers, ni le caractère propre ? Nous serions heureux de recourir à l’ouvrage d’art ou d’archéologie qui aurait nettement défini ce qu’on entend par le style byzantin, et de partir de ce point acquis à la science. Mais c’est en vain que nous avons cherché ce résumé clair, précis. Tous les documents épars que nous pouvons consulter ne montrent qu’une face de la question, ne considèrent qu’un détail ; quant au faisceau groupant ces travaux, nous ne pensons pas qu’il existe. Essayons donc de le constituer, car les arts byzantins connus, les conséquences que nous pouvons tirer de leurs influences sur l’art occidental, sur le nôtre en particulier, sembleront naturelles. N’oublions pas qu’il s’agit ici de la sculpture.

Voir dans l’art de Byzance un compromis entre le style adopté par les Romains du bas-empire et quelques traditions de l’art grec, ce n’est certes pas se tromper, mais c’est considérer d’une manière un peu trop sommaire un phénomène complexe. Il faudrait, — l’art admis par les Romains bien connu, — savoir ce qu’étaient ces traditions de l’art grec sur le Bosphore au IVe siècle. Cet art grec était romanisé déjà avant l’établissement de la capitale de l’Empire à Constantinople ; mais il s’était romanisé en passant par des filières diverses. Or, comme les Romains, en fait de sculpture, n’avaient point un art qui leur fût propre, ils trouvaient à Constantinople l’art grec modifié par l’élément latin et tel, à tout prendre, qu’ils l’avaient admis partout où ils pouvaient employer des artistes grecs. Les Romains apportaient donc à Byzance leur génie organisateur en fait de grands travaux publics, leur structure, leur goût pour le faste et la grandeur, mais ils n’ajoutaient rien à l’élément artiste du Grec. Mais ces Grecs de l’Asie qu’étaient-ils au IVe siècle ? Avaient-ils suivi rigoureusement les belles traditions de l’Attique ou même celles des colonies ioniennes, cariennes ? rappelaient-ils par quelques côtés ces petites républiques de l’Attique et du Péloponnèse qui considéraient comme des barbares tous les étrangers ? non certes ; ces populations, au milieu desquelles s’implantait la capitale de l’Empire, étaient un mélange connus d’éléments qui, pendant des siècles, avaient été divisés et même ennemis, mais qui avaient fini par se fondre. Le génie grec dominait encore, au sein de ce mélange assez pour l’utiliser, pas assez pour l’épurer.

D’ailleurs pourquoi l’empire romain transportait-il son centre à Byzance ? Dorénavant maître de l’Occident borné par l’Océan, tranquille du côté du