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[sculpture]
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possèdent une décoration sculpturale en parfaite harmonie avec la structure, et que cette ornementation (parfois d’une grande simplicité) a toujours l’avantage de parler aux yeux un langage connu. Dans cette sculpture, le paysan et le seigneur retrouvent des formes qui leur sont familières, des détails inspirés des plantes qui couvrent leurs champs, composés toujours avec grâce et adresse.

Disposés avec sobriété sur les parties de la construction qui se prêtent seules à les recevoir, les ornements variés, mais soumis à la loi d’unité par leur origine commune, produisent le plus grand effet possible, ne serait-ce que par le contraste entre leur richesse et la simplicité vraie de la structure au milieu de laquelle ils viennent se poser. La place donnée à un ornement est pour les neuf dixièmes dans l’effet qu’il produit, et les artistes qui, dans nos églises de la fin du XIIe siècle, sculptaient ces larges chapiteaux sur des colonnes monostyles, à une hauteur très-médiocre, savaient bien ce qu’ils faisaient. Ainsi, cette ceinture riche qui pourtournait l’édifice, en attirant l’attention, dispensait-elle de toute autre décoration ? Il suffisait de quelques rappels, de quelques points dans les parties élevées, tels que les chapiteaux à la naissance des voûtes, les clefs, pour donner à l’intérieur d’un vaisseau l’aspect de la richesse.

Quand on veut se rendre compte du rôle donné à la sculpture d’ornement dans les édifices du moyen âge de cette époque, on est fort surpris de son peu d’importance relativement à l’effet qu’elle produit, surtout si l’on compare ces édifices à ceux élevés aujourd’hui, sur lesquels la sculpture est répandue sans qu’il soit possible de donner la raison de cette profusion, ni de deviner pourquoi tel ornement est placé ici ou là, au faîte ou à la base, à l’intérieur ou à l’extérieur.

D’ailleurs, dans les monuments dus à nos belles écoles du moyen âge, l’ornementation sculptée n’est pas traitée de la même manière à l’air libre ou sous les voûtes et planchers d’une salle. Heurtée à l’extérieur, profitant de la lumière directe du soleil, elle procède par plans nettement accusés ; tandis qu’à l’intérieur, en tenant compte de la lumière diffuse, elle adopte un modelé plus doux, elle évite les trop fortes, saillies.

Du jour où l’école laïque s’emparait de la flore pour composer ses ornements sculptés, elle devait peu à peu se rapprocher de la réalité. Interprétés d’abord, les végétaux sont bientôt imités. À quelques années de distance, le progrès vers l’imitation réelle est sensible. Cette marche d’un art qui suit un développement logique est fournie d’enseignements précieux. L’ornementation primitive de l’école laïque, pendant les dernières années du XIIe siècle, d’une exécution si parfaite, d’un style si délicat, se maintenant entre les exigences monumentales et l’observation de la nature, se prête difficilement, à cause de la délicatesse même des principes admis, à la grande sculpture décorative. Charmante sur des chapiteaux, sur des jambages ou des tympans de portes, placée près de