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Cependant rien, à notre avis, n’est au-dessus de la sculpture large, claire, habilement composée, et déjà tout empreinte de l’observation de la flore, qui se voit dans la nef de la cathédrale de Paris. L’échelle de cette sculpture est en parfaite concordance avec celle des profils et de l’architecture tout entière. Il semble que l’art ne puisse aller au delà. Mais il était de l’essence même de la sculpture du moyen âge de ne pouvoir se fixer. Partant de l’observation de la nature, dans la flore aussi bien que dans la statuaire, il fallait aller en avant, poursuivre le mieux, et, en le poursuivant, atteindre le réel.


Prenant la nature pour point de départ, de l’interprétation on arrive toujours par une pente irrésistible à l’imitation ; puis, quand l’imitation fatigue, on veut faire mieux que le modèle, on l’exagère, on tombe dans l’affectation, dans la manière et souvent dans le laid. Disons cependant que cette robuste école de l’Île-de-France sait se maintenir dans les limites du goût, et qu’elle ne cesse d’être contenue, sobre et distinguée jusqu’aux dernières limites de l’art du moyen âge, même alors que d’autres provinces, comme la Picardie, la Bourgogne, la Champagne, tombaient dans le maniéré et le laid.

On confond avec trop peu d’attention généralement ces écoles à leur déclin. Les figures bouffonnes et maniérées à l’excès de l’art du XVe siècle dans les Flandres, en basse Bourgogne, en Picardie, empêchent de voir nos œuvres réellement françaises de la même époque, œuvres que le goût ne cesse de diriger. Aussi est-ce de cette école française que sortent, au XVIe siècle, les Jean Goujon, les Germain Pilon, et cette pléiade de sculpteurs dont les œuvres rivalisent avec celles des meilleurs temps.