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[sépulcre]
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le bois de la croix ; citerne autrefois comprise dans l’enceinte du monument constantinien.

M. le professeur R. Willis de Cambridge, dans un savant ouvrage sur les constructions successives du Saint-Sépulcre, rend un compte très-clair et très-détaillé des modifications et adjonctions qui ont produit l’église actuelle[1]. Après cette œuvre du consciencieux archéologue, après la notice de M. le comte de Vogüé, il n’est plus possible de prendre les constructions du transsept, bâti par les croisés, pour celles qu’ordonna Marie, mère de Hakem, et qui furent achevées en 1048. Pour admettre cette hypothèse, il faudrait supprimer d’un seul coup toutes les constructions frankes du XIIe siècle, les considérer comme non avenues. Or, outre les textes[2], les inscriptions, le caractère roman occidental du transsept et de toute la partie antérieure de l’église, indiquent d’une manière incontestable que l’église du Saint-Sépulcre, depuis le transsept jusqu’à l’abside antérieure, fut élevée par les croisés.

Cette dernière construction rappelle d’une manière frappante l’architecture et jusqu’aux détails du narthex de l’église de Vézelay, bâti en même temps. Même système de piliers, de voûtes sans arcs ogives. Quant à la rotonde, partie la plus importante des constructions achevées en 1048, soit sur les soubassements de l’abside de Constantin, soit en dehors de cette abside, elle était couverte par une charpente de cèdre, qui formait un cône tronqué, laissant passer l’air et la lumière par le sommet. Cette couverture, décrite par Arculphe, par Guillaume de Tyr, gravée dans l’ouvrage du R. P. Bernardino Amico[3], restaurée par MM. Willis et de Vogüé, présentait une disposition peu ordinaire[4]. Le sire de Caumont, dans son Voyaige d’oultre-mer[5], en 1418, s’exprime ainsi à propos de l’église du Saint-Sépulcre : « Elle est, dit-il, bien grande et belle, et est fette d’une guize moult estrange ; et il y a ung beau clouchier et hault de pierre, mis il n’y a nulle campane, car les Sarrazins ne le veullent… » Ce clocher faisait partie des constructions dues aux croisés ; ses étages inférieurs existent encore.

L’abside de la basilique de Constantin ayant été orientée vers l’ouest, la rotonde du Saint-Sépulcre se trouvait ainsi, par rapport à l’église des croisés, située du côté opposé à l’autel. Les croisés élevèrent donc une abside en regard, à l’est, ce qui ne les empêcha pas de conserver de ce côté une entrée et un vestibule, conformément à la tradition antique ;

  1. The architectural History of the church of the holy Sepulcre at Jerusalem. London. Parker, 1849.
  2. Entre autres, celui de Guillaume de Tyr, qui décrit au livre VIII, chapitre 3 de son Histoire des croisades, l’église de la Résurrection telle qu’elle était avant l’arrivée des croisés devant Jérusalem.
  3. Trattato delle piante è imagini de sacri edifizi di terra santa. Firenze, 1620.
  4. Cette toiture conique tronquée subsistait encore avant l’incendie de 1808.
  5. En 1418. Ce voyage a été publié par M. le marquis de la Grange (Paris, Aubry, 1858).