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[serrurerie]
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XIVe siècle, et que nous avons dessinée sur une porte d’une maison de la ville de Lalinde (Dordogne). Le mécanisme que donne notre figure se compose d’un loquet à fléau A monté sur un tourillon a. Un ressort B maintient ce loquet dans la position horizontale ; alors son extrémité c est engagée dans une gâchette retournée et montée sur le dormant ou dans la feuillure. Si l’on veut que la porte reste fermée comme elle le serait au moyen d’un pêle, on donne un tour de clef de d en g, et alors on a fait descendre le râteau h de telle sorte qu’il appuie sur la queue du loquet en i ; dès lors ce loquet ne peut basculer. Si l’on veut que le loquet reste mobile, on donne un tour de clef de g en d. Le râteau h se relève en pivotant sur son axe s, et le fléau est mobile, comme l’est le pêle d’une serrure demi-tour. Il suffit de relever la queue e du fléau pour que son extrémité c échappe la gâchette. Poussant le vantail, la serrure se ferme seule. Voici (fig. 28) la boîte de cette serrure à clenche. On voit en A la queue du fléau qui, dépassant la boîte ou bosse de la serrure, permet de faire échapper le pêle a de la gâchette b que nous avons figurée au-dessous de sa place pour faire voir l’extrémité du fléau. La bosse de la serrure étant posée en dedans de la pièce, il y a en dehors une bascule B (B′ en profil), qui permet de relever la queue du fléau lorsque le tour de clef ne l’a pas rendu immobile dans sa gâchette. En D, est tracée la platine sur laquelle est montée la bascule B. Comme dans les exemples précédents, les ornements qui garnissent la bosse reçoivent les rivures des pièces intérieures et leur donnent plus de force que si elles étaient faites simplement sur le fond de la boîte. Les bords de celle-ci sont encore garnis de filets saillants dentelés au burin, qui lui donnent une grande résistance.

Ces ouvrages de serrurerie ne sortent pas de l’ordinaire, et nous les choisissons exprès parmi les exemples de fabrication commune. Nos musées renferment encore bon nombre de serrures du XVe siècle qui sont d’une richesse de composition et d’une perfection d’exécution bien supérieures à ces derniers exemples. Mais nous ne devons envisager l’art de la serrurerie qu’au point de vue de son application à l’architecture, et, par conséquent, ne pas chercher à reproduire des œuvres exceptionnelles réservées pour des meubles de luxe. Il s’agit de faire ressortir les procédés de fabrication employés par les serruriers pendant le moyen âge, et de donner l’idée des formes qu’ils avaient su donner à la matière employée.

C’est peut-être dans les ouvrages de serrurerie que l’on trouve l’expression la plus nette de l’esprit logique des artistes et artisans du moyen âge. Le fer n’est point une matière qui se prête facilement aux à-peu-près. Dans l’art du serrurier, chaque partie doit avoir sa fonction, posséder le degré de force nécessaire, sans excès, car le travail de ce métal est cher et pénible, surtout si l’ouvrier ne possède aucun des engins puissants qui sont aujourd’hui à notre disposition, et qui trop souvent viennent suppléer aux défauts de conception du maître ou à la maladresse du for-