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[serrurerie]
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Les assemblages à trous renflés de cette grille sont trop simples pour avoir besoin d’explications. En D, est une équerre de grille ouvrante, avec sa fourchette détaillée en t[1]. On voit encore à Troyes une belle grille saillante de fenêtre ou de boutique, datant de la fin du XVe siècle ; nous croyons nécessaire d’en donner quelques parties.

Ce cabaust a 2 mètres 10 centimètres de largeur, et se compose de deux travées saillantes. Trois montants, deux d’angle et un d’axe, séparent ces travées, composées chacune de quatre divisions de brindilles enroulées, avec fleurons de fer battu. Deux montants en retraite, scellés au mur par des agrafes, maintiennent tout le système. La figure 55 montre les supports inférieurs de cette grille. Les montants d’angle A, et ceux B appuyés à la muraille, sont réunis par la console C. La traverse basse D passe derrière le montant A, ainsi qu’on le voit en D′ et A′, sur un repos a ; et la brindille G porte un goujon qui, passant à travers les deux trous, est rivé en dehors sur une rondelle et deux rosettes de fer battu. Les brindilles sont réunies aux montants intermédiaires ou entre elles par des embrasses. Des tôles gravées garnissent les montants et traverses, tant pour couvrir les assemblages que pour donner à l’œil plus de corps à la grille. Les fers d’angle ont 22 millimètres (voyez en E la section d’un de ces fers, avec sa couverture de tôle). Les rosettes F′ sont maintenues aux brindilles au moyen d’un rivet passant par l’œil F. Chacune des brindilles est donc d’une seule pièce et sans soudure (voyez en H).

L’arrangement des consoles C est à remarquer. Cette façon de donner de la puissance au redent de la console, qui porte toute la charge de la devanture de fer, par le bouton extrême et les quatre volutes, ne manque ni d’adresse ni de grâce. C’est d’ailleurs le point de soudure des deux montants A et B antérieur et postérieur. La décoration n’est donc, ici encore, que la conséquence du procédé de fabrication. La serrurerie française, jusqu’à la fin du XVIe siècle, ne se départ pas de ce principe. Elle demeure ferronnerie, et ne cherche pas à imiter des formes appartenant à d’autres branches de l’industrie du bâtiment ; on n’en peut dire autant de la serrurerie italienne.

Celle-ci, dès le XVe siècle, s’écarte des formes qui lui appartiennent en propre, pour aller reproduire en miniature des ordres, des entablements, des pilastres, des membres d’architecture antique qui sont du ressort de la maçonnerie. C’est ainsi que l’on pensait faire un retour vers l’antiquité ; tandis que chez les Grecs, aussi bien que chez les Romains, les objets de métal affectent les formes convenables à la matière.

À notre tour, quand nous prétendions faire un retour vers l’antiquité en nous appuyant sur les interprétations fausses dues aux artistes italiens

  1. L’exemple A provient d’une grille du château de Tarascon (XVe siècle). L’exemple B, d’un garde-fou (démonté) dessiné par nous à Poitiers, dans un dépôt de ferrailles de l’ancien palais des comtes (XIVe siècle probablement). L’exemple C, d’une grille de boutique dessinée par nous à Chartres, en 1835 (XVe siècle).