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analogues à ceux employés par les Romains, mais avec peu de méthode. Au siège d’Angers, contre les Normands, Charles le Chauve employa des engins qu’il avait fait établir par des ingénieurs appelés de Byzance[1] ; mais ces moyens n’ayant produit nul effet, il n’eut raison des assiégés qu’en faisant détourner la Mayenne. Les Francs employaient depuis longtemps des béliers pour battre et saper les murs des places fortes, et des chariots couverts de claies et de planches[2].

Les Wisigoths, les plus civilisés parmi les barbares, fortifiaient et attaquaient les places suivant la méthode romaine ou byzantine.

Les armées occidentales qui envahirent la Syrie à la fin du XIe siècle n’étaient, à proprement parler, composées que de chevaliers, de seigneurs, accompagnés des hommes d’armes sous leur bannière, et d’une foule indisciplinée, sans expérience de la guerre, à peine armée, de femmes, d’enfants, de moines, de marchands, tous gens plus embarrassants qu’utiles qui avaient suivi Pierre l’Ermite. Les trois quarts de cette population d’émigrants plutôt que de soldats étaient morts de misère et de maladie avant la première entreprise sérieuse des Occidentaux, qui fut le siège de Nicée.

Ce fut le 15 mai 1096 que la place fut investie par une première division de l’armée des croisés. La ville de Nicée est en partie garantie par un lac étendu qui baigne ses murs. Alors, en 1096, Nicée était entourée d’épaisses murailles flanquées de tours rapprochées. Les croisés s’approchèrent de la ville vers le nord, disposèrent leurs camps en demi-cercle par quartiers, car ces premières armées des croisés obéissaient à des chefs indépendants les uns des autres, qui tenaient conseil pour toutes les opérations importantes. L’armée réunie comptait, au dire de Guillaume de Tyr, six cent mille fantassins des deux sexes et cent mille hommes d’armes. Les premières opérations du siège se bornèrent à empêcher les habitants de sortir des murs ou de recevoir des provisions ou des renforts : mais le lac qui cernait une partie de la ville était une voie ouverte sur les dehors ; l’armée des croisés n’avait pas de bateaux pour empêcher l’introduction des secours par cette voie, et ne pouvait songer à garder toute l’étendue des côtes du lac, de sorte que le siège, grâce à la bonté des murailles, traînait en longueur. Une tentative fut faite par Soliman pour disperser l’armée assiégeante ; mais les troupes asiatiques ayant été repoussées, les princes francs serrèrent les remparts de plus près, établirent des machines de jet, et livrèrent plusieurs assauts, toutefois sans succès. Ils firent dresser, entre autres engins, une galerie composée de fortes pièces de bois contre le rempart, pour permettre à vingt hommes de saper sa base. Cette galerie fut disloquée par les projectiles des assiégés et les mineurs écrasés. Fatigués de tant d’efforts inutiles, les princes résolurent d’envoyer un nombre con-

  1. Chronicon mon. S. Serg, Andegav.
  2. Hist. Franc. Greg. Turon., lib. VII.