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ans, employer avec économie toutes les ressources dont ils disposent à munir leur cité ; quand, au lieu de se décourager le jour où leur seigneur légitime est tombé au pouvoir de l’étranger, ils redoublent d’efforts pour défendre cette ville ; quand, seuls, abandonnés de leurs chefs naturels et du suzerain, comprenant qu’ils sont la clef d’une moitié du royaume, ayant sur les bras, non-seulement des troupes étrangères, mais encore des milices de villes voisines, ils n’écoutent que la voix du patriotisme, et, sans hésitation aucune, montent sur leurs remparts bien munis par leurs soins ; quand nous voyons cela, nous serions parfois tentés de dire, « Ramenez-nous à ce moyen âge qui savait faire de tels hommes et leur donner de pareils sentiments, et surtout, avant de le couvrir de dédains, faisons aussi bien, à l’occasion. »

Dès 1410, disons-nous, les procureurs de la ville d’Orléans font réparer les murs et la tour de la porte de Bourgogne[1] ; déjà la ville possédait des canons. En 1412, des barrières, au nombre de quinze, sont établies en avant des portes de la ville. Ces barrières étaient de bois, disposées de manière à loger des portiers et des guetteurs.

En 1415, après la bataille d’Azincourt, la ville est mise en état de défense. Vers cette époque, la ville était divisée en huit quartiers. « Chaque quartier avoit son chef ou quartenier qui commandoit à dix dizainiers. Ces derniers recevoient les rapports des chefs de rue. » Les chefs de rue étaient chargés de la police, et devaient, au premier appel, réunir leurs hommes à l’une des extrémités de la rue. En 1417, les murs d’enceinte de la ville furent également divisés en six parties, avec chacune un chef de garde, lequel avait sous ses ordres cinq dizainiers et cinquante habitants. Cette garde se renouvelait tous les jours par sixième. En cette même année on convertit une partie des meurtrières des tours en embrasures pour y placer des canons. « On pensa dès ce moment à faire faire et à mettre en état les pavas (pavois, grands boucliers) de la ville. Ils avaient trois pieds et demi de hauteur », étaient faits avec des douves barrées par dessous et recouverts de cuirs ; « des courrois servaient à passer les bras pour s’en couvrir le dos en montant à l’assaut ».

Des boulevards (boloarts) furent disposés en avant des portes, outre les barrières. Ces boulevards étaient des ouvrages de terre avec pieux aigus (fraises) d’une toise de long, posés presque horizontalement au-dessus du fossé sur l’escarpe. Ces pieux étaient reliés par des planches à bataux. On entrait dans les boulevards latéralement, par des ponts-levis posés sur chevalets. En 1428, les boulevards furent exhaussés (leur relief était de onze pieds), garnis de banquettes avec parapet et embrasures de fascines ou de pierre.

  1. Voyez Mém. sur les dépenses faites par les Orléanais en prévision du siège et pendant sa durée, etc., extrait des comptes de la ville d’Orléans, par Vergnaud-Romagnesi. Aubry, 1861.