Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 8.djvu/516

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[symétrie]
— 513 —

de structure adopté, c’est-à-dire que ce sont les voûtes qui commandent tout le tracé. C’était agir conformément à la méthode logique que de soumettre, en effet, tout le tracé du plan à la structure des voûtes, dès l’instant que ce mode était admis.

Ce qui constitue la voûte dite gothique, c’est l’arc ogive, l’arc diagonal, et non l’arc-doubleau[1]. C’est l’arc ogive qui établit la nouveauté du système qui naît et se développe (quoi qu’on ait dit, et jusqu’à preuve du contraire) au XIIe siècle, dans les provinces du nord de la France[2]. C’est l’arc ogive, dans un édifice voûté, conçu par un maître habile, qui devient le générateur du système de structure, et, par suite, de toute symétrie, comme chez le Grec c’est la colonne qui est le point de départ de toute la symétrie du monument. Les deux arts sont également soumis à une inflexible logique, partent de deux points différents, mais raisonnent de la même manière. Dans la structure grecque, le point d’appui vertical est le principe ; dans notre architecture laïque du moyen âge, le principe, c’est la voûte : c’est elle qui impose les points d’appui, leur force, leur section. Le Grec, sachant bien qu’il n’aura que des pesanteurs agissant verticalement à supporter, part du sol ; il dispose ses points d’appui suivant l’ordre nécessaire et symétrique[3]. Il n’a pas à se préoccuper de soffites, de plates-bandes ou de plafonds, qu’il est toujours certain de pouvoir combiner sur ces points d’appui, beaucoup plus forts et rapprochés qu’il ne serait rigoureusement nécessaire. Son ordonnance, ce sont les murs, les colonnes et leurs entablements. C’est là, proprement, ce qui constitue pour lui l’édifice. C’est là ce qu’il faut soumettre aux lois de la symétrie et de l’eurhythmie. Ce quillage posé, et posé suivant une méthode harmonique, le monument est fait, son ordonnance est trouvée.

Pour le maître du moyen âge, c’est la chose portée qui est l’objet principal, c’est cette voûte qu’il faut soutenir et contre-buter. C’est la voûte qui, par conséquent, commande la symétrie de toutes les parties. Ce n’est plus par la base que l’architecte conçoit son plan, mais par l’objet qui commande la position et la force de cette base. C’est la voûte qui donne dès lors le tracé de ce plan, et c’est la symétrie de ce tracé qui

  1. Voyez Construction, Ogive, Voûte.
  2. Cette opinion a été fort combattue, elle l’est encore par quelques-uns des écrivains attardés qui s’occupent de l’histoire de l’architecture ; mais il faut dire qu’elle n’est pas combattue comme il faudrait qu’elle le fût, par des preuves tirées des connaissances pratiques de notre art. Une seule épure nous montrant une voûte d’arête en arcs d’ogives construite conformément à la voûte française, mais tracée avec le système d’appareil, prise ailleurs qu’en France et antérieure à 1140, serait plus convaincante que toutes les phrases écrites contre notre opinion.
  3. Il est entendu que nous nous servons du mot symétrie suivant la signification antique, qui est aussi celle que lui aurait donnée le moyen âge ; car s’il n’avait le mot, il avait le procédé.