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d’une grosse pile à l’autre. La travée était encore constituée comme celle de la figure 2. C’est-à-dire que la pile intermédiaire A, destinée à porter un simple arc-doubleau des grandes voûtes, était plus grêle que les piles B portant les arcs-doubleaux principaux et les arcs ogives. Cela était conforme à la logique. Alors les arcs reposant sur les piles B étaient seuls contre-butés par des arcs-boutants. La coupe C de la nef et du collatéral complète l’intelligence de ce système de constructions. La plupart des premières voûtes bandées d’après le principe admis au XIIe siècle, dans l’Île-de-France, sont ainsi tracées. La travée des nefs centrales est égale, ou à très-peu près, à la largeur même de ces nefs, mais elle se divise en deux, au moyen d’une pile intermédiaire qui sert à porter les arcs des voûtes du collatéral et à recouper les arcs ogives des hautes voûtes.

Mais ce système, justifié dans une construction assez vaste, n’était guère admissible pour de petits édifices. Les piles intermédiaires, dans ces derniers monuments, eussent été trop grêles, inutiles et encombrantes. Les architectes les suppriment, ils ne conservent que les piles principales A (fig. 6), mais ils ne construisent pas moins les voûtes conformément au principe que nous venons d’indiquer. Cette dernière travée qui appartient à la nef de la petite église de Nesle, près de l’Île-Adam, montre comme le constructeur a seulement élevé la pile destinée à porter l’arc-doubleau intermédiaire I sur la clef de l’archivolte du collatéral[1], parce qu’il eût été inutile, en effet, de faire porter cette pile intermédiaire sur le sol. En B est tracée la coupe de la travée, et en D le détail des bases des colonnettes sur les chapiteaux des piles monocylindriques. Ces deux exemples appartenant à deux édifices de dimensions très-différentes, mais construits à peu près à la même époque, font ressortir une des qualités principales de cette belle architecture française de la fin du XIIe siècle, l’unité d’échelle[2]. Les écartements des piles, les hauteurs de galeries de circulation G, les largeurs des baies, les membres des moulures, sont à peu près les mêmes dans les deux monuments. Nous pourrions saisir ces analogies dans les cathédrales de Paris, de Senlis, de Soissons, de Laon, dans les églises de Saint-Leu d’Esserent, de Braisne, etc[3]. Examinons maintenant une travée de nef de l’un des plus grands monuments du commencement du XIIIe siècle, la cathédrale de Bourges[4]. Ce vaisseau comprend une nef centrale et des doubles collatéraux dont les voûtes sont à des niveaux différents. Ainsi (fig. 7), les voûtes du premier collatéral sont bandées au niveau A, et

  1. La construction de l’église de Nesle (Seine-et-Oise) date de 1175 environ. Cet édifice est contemporain de la cathédrale de Senlis, de l’église abbatiale et de Saint-Leu d’Esserent.
  2. Voyez Échelle.
  3. Voyez, à l’article Cathédrale, une travée de Notre-Dame de Paris, fig. 4.
  4. Voyez le plan de cette église à l’article Cathédrale, fig. 6, et sa coupe, Proportion , fig. 7.