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fournissent tous les détails de la coloration. Ce tombeau, n’étant pas adossé, laisse voir sa partie postérieure dans le bas côté. Celle-ci est de même surmontée d’un gâble avec figures, crochets et fleurons, la partie inférieure restant unie, sans sculpture.

Certaines parties de la statuaire du tombeau de Dagobert sont très-remarquablement traitées. La statue de Nantilde, à laquelle, au musée des Petits-Augustins, M. Lenoir avait fait adapter une tête d’homme[1], les groupes des évêques dans les zones légendaires, les anges des voussures et la sculpture du tympan, sous le gâble, sont d’un style excellent et d’une exécution parfaite. Ce tombeau n’est point dans les données des monuments placés dans l’intérieur des églises : c’est une chapelle, un de ces édicules comme on en élevait dans les cloîtres, entre les contre-forts des églises, et c’est pourquoi nous l’avons présenté ici ; cependant l’effigie du mort est sculptée sur le sarcophage vrai ou feint, tandis que ni le tombeau de Toulouse, ni celui de Saint-Salvy d’Alby, n’avaient de statues couchées.

Voici encore un de ces monuments en forme de niche dépourvue d’effigies : c’est celui des deux prélats Beaudoin II et Beaudoin III, évêques de Noyon, qui était placé contre la muraille de l’église abbatiale d’Ourscamp, côté de l’évangile (fig. 9)[2]. Beaudoin II mourut en 1167. Les épitaphes étaient peintes sur les parois de la niche, et avaient été remplacées cent ans avant Gaignères, auquel nous empruntons ce dessin, par des inscriptions sur vélin posées dans des cadres attachés avec des chaînettes. Ici, comme à Saint-Salvy, la pilette qui forme claire-voie repose sur le sarcophage et protège son couvercle. Ce tombeau, pas plus que ceux de Saint-Salvy et de Dagobert, ne présente d’attributs funèbres. Des fleurs, des feuillages, des sujets légendaires, ou des personnages n’affectant en aucune manière les attitudes de la douleur, décorent ces édicules et en font des œuvres d’art agréables à voir, où rien ne fait songer à la décomposition matérielle, à la nuit éternelle. Sur les tombeaux, les artistes du moyen âge affectent, au contraire, de répandre des fleurs et des feuillages à profusion, ainsi qu’on le faisait, d’ailleurs, autour des corps, au moment de l’ensevelissement[3]. Des animaux, des chasses, des processions de personnages, rappellent, sur ces monuments, la vie et non la mort. Quand les effigies des défunts sont sculptées couchées sur le sarcophage, elles ne prennent

  1. Il faut noter que cette statue, ainsi ridiculement défigurée, a été moulée, réduite, vendue partout comme une des œuvres remarquables du moyen âge.
  2. Ce tombeau datait des premières années du XIIIe siècle.
  3. Nous avons très-fréquemment trouvé, sous les restes des personnages ensevelis pendant les XIIe, XIIIe et XIVe siècles, des litières encore visibles d’herbes et de fleurs, notamment des roses facilement reconnaissables à leurs tiges garnies d’épines. N’était-il pas plus sensé de porter ainsi une personne regrettée, à son dernier séjour, que de placer son corps dans ces chars noirs et blancs dont les formes sont ridicules, les décorations du plus mauvais goût, conduits par des cochers vêtus d’une façon burlesque ?