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génie de l’artiste. En effet, le génie d’un maître ne peut modifier les lois de la lumière, de la perspective et de l’optique. Nous savons bien qu’un assez grand nombre d’artistes de notre temps sont doués d’un sentiment trop fougueux ou indépendant pour se soumettre à d’autres lois que celles dictées par leur fantaisie ; mais nous savons avec non moins de certitude que la lumière, l’optique, la perspective, n’ont pas encore modifié les lois qui les régissent pour complaire à ces esprits insoumis. Si la lumière, l’optique et la perspective sont des conditions physiques d’un autre âge, si elles ont régné dans des temps de barbarie, elles règnent encore à l’heure qu’il est, et ne paraissent pas encore disposées à abdiquer, ni même à vieillir. Or, les artistes qui ont composé les verrières des XIe et XIIIe siècles manifestaient au contraire leur soumission absolue à ces lois, ils s’en aidaient avec autant d’intelligence que de modestie. Cette soumission nous donne un enseignement dont nous ne profitons guère, mais qui, pour cela, n’en est pas moins bon et vaut la peine d’être examiné.

Personne n’ignore les tentatives faites depuis une trentaine d’années pour rendre à la peinture sur verre un éclat nouveau. Nos verriers les plus habiles ont fait parfois d’excellents pastiches ; ils ont complété d’anciennes verrières avec une perfection d’imitation telle, qu’on ne saurait distinguer les restaurations des parties anciennes. Ils ont donc ainsi pris ample connaissance des procédés, non-seulement de fabrication matérielle, mais d’art, appliqués à ces sortes de peintures[1]. Ils ont pu reconnaître les qualités remarquables des anciens vitraux comme effet décoratif et harmonie, et la perfection, difficile à atteindre, de certains procédés d’exécution, l’habileté matérielle des ouvriers, et apprécier le style des maîtres, si bien approprié à l’objet. Cet art du verrier n’est donc pas un mystère, un secret perdu.

Ce qui a été oublié pendant plusieurs siècles, ce sont les seuls et vrais moyens qui conviennent à la peinture sur verre, moyens indiqués par l’observation des effets de la lumière et de l’optique ; moyens parfaitement connus et appliqués par les verriers des XIIe et XIIIe siècles, négligés à dater du XVe, et dédaignés depuis, en dépit, comme nous l’avons dit, de ces lois immuables imposées par la lumière et l’optique. Vouloir reproduire ce qu’on appelle un tableau, c’est-à-dire une peinture dans laquelle on cherche à rendre les effets de la perspective linéaire et de la perspective aérienne, de la lumière et des ombres avec toutes leurs transitions, sur un panneau de couleurs translucides, est une entreprise aussi téméraire que de prétendre rendre les effets des voix humaines avec des instruments à cordes. Autre procédé, autres conditions, autre

  1. On peut citer, entre ces fac-simile, comme remarquables : les panneaux des restaurations de la sainte Chapelle, dus à MM. Lusson et Steinheil ; ceux des fenêtres du XIIe siècle de l’abbaye de Saint-Denis, dus à M. A. Gérente ; des restaurations des vitraux de Bourges et du Mans faites par M. Coffetier.