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(fig. 22 bis) est d’une brutalité d’exécution qui dépasse tout ce qu’on pourrait oser en ce genre. Cependant cette tête, vue à une distance de 10 mètres, se traduit par l’apparence B. Le verre employé est un pourpre clair bistré. Ce ton, dont le rayonnement est faible, produit, avec les ombres opaques qui y sont apposées, un effet singulier que nous laissons à expliquer aux savants compétents. Ces ombres, à distance, se fondent en gagnant sur les clairs minces et en perdant dans le voisinage des clairs larges. On peut se rendre compte de ce fait en décalquant la tête 22 bis sur l’original, et en reportant ce décalque, ainsi que M. Gérente a bien voulu le faire pour faciliter cette étude, sur un verre de la nuance indiquée ci-dessus ; on apposera ce fragment contre une vitre, en ayant soin qu’il se détache sur la partie moyenne du ciel. À 4 ou 5 mètres de distance, déjà les plombs ont disparu et se sont fondus avec les ombres ; les ombres du côté de fuite du masque ont influé sur la demi-teinte, la bouche est déjà modifiée. À 10 mètres de distance, l’apparence est exactement celle que donne l’image B. Ainsi le plomb qui dessine l’os maxillaire, compris entre les deux grands clairs de la joue et du cou, est réduit à un trait léger, tandis qu’il prend une grande largeur sous le menton, là où les clairs voisins ont peu d’étendue. De même le plomb qui sépare les cheveux du front gagne sur celui-ci et se change en une ombre portée, ce clair du front étant étroit. Une partie du clair des paupières se fond dans l’ombre des sourcils, de même que l’extrémité claire fuyante de la lèvre inférieure, tout entourée d’ombres, se fond entièrement dans cette ombre. Les demi-teintes aident à produire ces illusions, car si on les fait disparaître et qu’on se borne aux ombres opaques, l’effet n’est plus le même ; tous les clairs rongent les ombres, qui se réduisent simplement d’épaisseur et ne se fondent plus. Il faut nécessairement que dans le voisinage de l’ombre, le verre soit moins translucide, par l’apposition d’une demi-teinte, afin que la lumière rayonne avec moins de vivacité, ou que son rayonnement éclaircisse les ombres sans leur rien faire perdre de leur largeur. Nous ne savons si les études récemment faites sur la lumière peuvent donner sur ces phénomènes des explications scientifiques, mais les expériences sont pour nous des démonstrations auxquelles chacun peut recourir. Il est certain que ces artistes tant dédaignés avaient acquis une longue pratique de ces propriétés lumineuses des verres colorés, et que sous ce rapport, comme sous quelques autres, ils pourraient en remontrer à ceux qui, aujourd’hui, semblent faire si peu de cas de leurs œuvres. Voilà en quoi consiste ces secrets perdus de la peinture sur verre ; perdus parce qu’on ne prend pas la peine d’analyser les moyens et procédés employés par les anciens maîtres.

C’est surtout dans les peintures sur verre représentant des personnages d’une grande dimension qu’apparaît d’une manière évidente la science d’observation des peintres verriers. Il ne nous reste pas, malheureusement, de figures du XIIe siècle à une échelle au-dessus de la