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grandes figures sont généralement clairs et vifs. Les bordures sont larges et solides de ton. Celle de la verrière que nous donnons ici se compose des armes de France ; c’est-à-dire d’un fond bleu chargé de fleurs de lis d’or (jaunes) sans nombre, et d’un écu de gueules à la croix d’argent (blanche) et de quatre clefs de même dans les quatre cantons, les pannetons opposés. Contrairement au parti adopté à Auxerre quarante ans auparavant environ, la grisaille de Saint-Urbain est fine, claire, peu chargée, de manière à laisser briller les filets et les touches de couleur. Ce parti a été adopté dans beaucoup de monuments de la fin du XIIIe siècle et du commencement du XIVe, notamment à Saint-Ouen de Rouen, dans les cathédrales de Narbonne, d’Amiens[1], de Cologne, etc. Quelquefois les dais d’architecture prenaient une grande importance et se composaient de tons clairs, blancs, jaunes, vert d’eau, avec des taches rouges et bleues. Pendant le XIIIe siècle, ces dais, bien que tenus toujours dans des tons clairs, sont simples comme dessin, assez peu importants comme dimension. Ils prennent plus de place à la fin du XIIIe siècle, et occupent souvent pendant le XIVe autant de surface que les figures qu’ils couvrent. Ils se chargent de détails d’architecture, tels que clochetons, gâbles, roses, fenêtres à meneaux, crochets et fleurons. Jusqu’alors les formes d’architecture représentées dans les vitraux sont traduites d’une manière toute de convention ; mais vers le commencement du XIVe siècle, les artistes verriers affectent de rechercher l’imitation plus réelle de ces formes. On peut citer, comme un premier exemple de ces tentatives, des verrières des chapelles de la cathédrale de Beauvais qui datent de 1310 environ. La figure 35, au quart de l’exécution, donne une partie des décorations architectoniques qui accompagnent les sujets de ces verrières et qui sont d’une extrême finesse. Les tons de cette architecture sont blancs et jaunes avec quelques touches rouges, sur un fond bleu. L’éclat non rayonnant du jaune acquiert la netteté et la délicatesse de lumières métalliques à travers ces larges redessinés noirs, ce qui produit un effet saisissant[2]. Mais cette recherche, ce dessin maigre et découpé, font regretter les fonds richement colorés, les bordures larges, les ornements si grassement composés qui donnent aux vitraux des XIIe et XIIIe siècles cette harmonie veloutée et profonde qui n’a son égale nulle part. Les bordures du XIVe siècle sont généralement étroites et composées de dessins trop petits d’échelle. Les meneaux qui alors divisaient les fenêtres en compartiments verticaux d’une largeur de deux pieds à deux pieds et demi (0m,65 à 0m,75) obligeaient les verriers à réduire les bordures et à diminuer les figures isolées. Les pages données à ces artistes n’avaient plus l’ampleur que nous leur voyons prendre pendant le XIIe siècle et jusque vers 1230. Les armatures de fer ne se composaient plus que de

  1. Il ne reste plus à Amiens que des traces de ces verrières dans le triforium du chœur.
  2. Les calques de ces vitraux nous ont été communiqués par M. Oudinot.