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naient la composition centrale et la bordure. L’exemple fig. 34 est déjà pour cette époque une exception ; mais, à Saint-Urbain de Troyes, les vides prennent une surface énorme ; il est rare que les travées de vitraux entre meneaux aient cette largeur à dater de la seconde moitié du XIIIe siècle.

Les vitraux légendaires du XIVe siècle sont beaucoup moins communs que ceux du XIIIe. Cet art déclinait alors visiblement ; les principes de la peinture translucide que nous avons exposés, et qui avaient dirigé les artistes pendant deux siècles, se perdaient comme se perdaient les principes de la sculpture monumentale. Deux causes contribuaient à cet affaissement de l’art du verrier : la recherche du réel, de l’effet dramatique, et les ressources moins abondantes, au milieu d’une société chez laquelle se développait chaque jour davantage la vie civile. Les corporations, préoccupées de leurs intérêts matériels, ne donnaient plus ces belles verrières qui avaient décoré les cathédrales et les églises paroissiales pendant la première moitié du XIIIe siècle ; les évêques et les chapitres avaient, grand’peine à terminer leurs cathédrales restées inachevées et ne pouvaient consacrer des sommes importantes à l’exécution de ces peintures merveilleuses. La féodalité laïque était déjà fort appauvrie et ne songeait qu’à se fortifier dans ses châteaux. Puis, dans l’architecture religieuse alors en honneur, on avait tellement développé les surfaces des fenêtres, qu’il devenait impossible, à moins de dépenses exagérées, de garnir ces vides de vitraux à sujets. Aussi est-ce une fortune rare de trouver une église du XIVe siècle qui soit entièrement garnie de ses vitraux. Nous n’en connaissons qu’une en France qui présente un spécimen complet, ou à bien peu près, d’une suite de verrières faites d’un jet de 1320 à 1330 : c’est l’église de Saint-Nazaire, ancienne cathédrale de Carcassonne (voyez Cathédrale, fig, 49, et Construction, fig, 109 et 111). Le chœur et le transsept de cette église présentent une énorme surface de baies toutes garnies de leurs vitraux du commencement du XIVe siècle[1]. Ces vitraux à sujets légendaires sont d’une harmonie brillante sans être crue, ce qui se rencontre rarement à cette époque, et appartiennent à une école dont nous ne connaissons pas le centre, mais que nous serions disposés à placer à Toulouse, et dont on retrouve les produits jusqu’à Beziers.

Le panneau (fig. 36) provenant de la fenêtre qui contient la légende de saint Nazaire donne une idée du style de cette école[2] ; les compositions sont assez bonnes, le sentiment dramatique est cherché, et le geste, par suite, tombe souvent dans la manière. Les draperies sont moins bien entendues que dans nos écoles du Nord, mais le choix des tons, l’entente de l’harmonie générale, l’emportent de beaucoup sur ce

  1. Dans le chœur, deux des anciennes verrières ont été seulement remplacées au XVIe siècle. Ces deux vitraux de la renaissance sont d’ailleurs d’une excellente exécution.
  2. Saint Nazaire prend soin des pauvres, des veuves et orphelins.