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[tombeau]
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sommet par une sorte de couvercle ou de couverture imitée d’un ouvrage de bois, qui affecte la forme d’un prisme curviligne[1], et, en pénétrant dans l’extrême Orient, on retrouve des sépultures hindoues qui présentent la même apparence géométrique. Sans attacher à ces rapports plus d’importance qu’il ne convient, il est nécessaire d’en tenir compte, car nous voyons cette forme de recouvrement du corps persister chez les populations sorties de l’Orient septentrional.

La loi salique mentionne la construction, la balustrade, le petit édifice ou le petit pont placé au-dessus d’un homme mort[2]. Grégoire de Tours[3] à propos d’un vol avec effraction commis dans la basilique Saint-Martin de Tours, dit que les voleurs s’étaient introduits par une fenêtre en montant sur un treillis qu’ils avaient enlevé sur la tombe d’un mort (Qui ponentes ad fenestram absidœ cancellum, qui super tumulum cujusdam defuncti erat…). Les Anglo-Saxons avaient pour habitude de poser sur la tombe du mort une sorte de berceau de bois ou de fer (hearse), que l’on recouvrait d’un poêle[4]. Or, la forme des tombeaux lyciens, celle des tombes des Vosges, indiquent l’aristato[5] que cite la loi salique, le hearse des Anglo-Saxons, les catafalques figurés dans la broderie de Bayeux (dite tapisserie de la reine Mathilde) ; et bien que les pierres des Vosges recouvrent des urnes cinéraires, et que les Francs ni les Anglo-Saxons ne brûlassent leurs corps, il est difficile de ne pas admettre pour cette forme de tombeaux, figurant un poêle recouvrant une carcasse de bois ou de fer, une origine pareille. Observons que cet aristato, ce hearse, recouvrent, non pas le mort, mais la sépulture du mort ; c’est ce que nous appelons aujourd’hui un catafalque. Ce n’est pas la bière, mais le signe honorable et visible qui indique la place de la tombe.

Le tombeau lycien déposé au British Museum présente cette particularité curieuse (fig. 14), que le sarcophage proprement dit A, qui est de marbre, et dans lequel étaient déposés les restes du mort, prend la figure propre à cette matière, tandis que la partie BC de recouvrement, quoique taillée de même dans des blocs de marbre, affecte l’apparence d’une structure de bois. Le sommet curviligne C est même revêtu de son poêle, simulant une étoffe dont la broderie est figurée par des bas-reliefs très-plats, et les ornements de métal que ce poêle pouvait recevoir, par des mufles de lion saillants. Il y a donc, dans ce tombeau, la sépulture proprement dite et le catafalque qui la surmonte. Même

  1. Voyez, entre autres, les beaux exemples de ces tombeaux déposés au British Museum.
  2. Le texte 5e dit : « Si quelqu’un a détruit le petit édifice, qui est le petit pont, tel qu’on le fait suivant l’usage de nos pères… »
  3. Lib. VI, cap. X.
  4. Voyez l’ouvrage du docteur Rock : The Church of our fathers, et la notice de M. Ernest Feydeau, Annales archéol., t. XV, p. 38, — Voyez le monument de Beauchamp.
  5. Voyez du Cange, Gloss.