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la totalité de leurs baies, soit une partie seulement. Dans ce dernier cas, les grisailles sont réservées pour les fenêtres latérales qu’on ne peut apercevoir qu’obliquement, et alors les verrières colorées ferment les baies du fond, les ouvertures absidales que l’on aperçoit de loin, en face. Ces grisailles latérales sont toutefois assez opaques pour que les rayons solaires qui les traversent ne puissent éclairer en revers les vitraux colorés. Ces rayons solaires cependant jettent, à certaines heures de la journée, une lueur nacrée sur les vitraux colorés, ce qui leur donne une transparence et des finesses de tons indescriptibles. Les vitraux latéraux du chœur de la cathédrale d’Auxerre, mi-partie grisailles, mi-partie colorés, répandent ainsi sur la fenêtre absidale, entièrement colorée, un glacis d’une suavité dont on ne peut se faire une idée. La lueur d’un blanc opalin qui passe à travers ces baies latérales, et qui forme comme un voile d’une extrême transparence sous les hautes voûtes, est traversée par les tons brillants des fenêtres du fond qui produisent les chatoiements des pierres précieuses. Alors les formes semblent vaciller comme les objets aperçus à travers une nappe d’eau limpide. Les distances ne sont plus appréciables, elles prennent des profondeurs où l’œil se perd. À chaque heure du jour ces effets se modifient, toujours avec des harmonies nouvelles dont on ne peut se lasser d’étudier les causes, quand toutefois on tient à étudier les causes des effets perçus par les sens : or, plus cette étude est approfondie, plus on demeure émerveillé de l’expérience acquise par ces artistes, dont les théories sur les effets des couleurs (admettant qu’ils en eussent) sont pour nous inconnues, et que les plus bienveillants d’entre nous traitent en enfants naïfs. N’admettant pas que la naïveté toute seule puisse arriver à des résultats aussi complets dans les choses d’art ; étant bien convaincu, au contraire, qu’il faut aux artistes une connaissance très-supérieure des causes et des effets pour produire des œuvres toujours réussies, et cela dans de vastes monuments, nous allons essayer de donner un aperçu du système adopté par les verriers du moyen âge dans la composition et la fabrication des grisailles.

Les plus anciennes grisailles connues ne remontent pas au delà du XIIIe siècle, et ces premières grisailles ne sont mêlées d’aucune partie colorée.

Il existait certainement au XIIe siècle des vitraux simplement composés d’ornements qui étaient fort clairs d’aspect, et dans lesquels par conséquent la grisaille remplissait un rôle important. Mais de ces sortes de vitraux nous ne connaissons qu’un seul exemple, et cet exemple a-t-il été tellement défiguré par des restaurations grossières, que nous ne pourrions le considérer comme complet. Il s’agit de la célèbre verrière de l’église abbatiale de Saint-Denis, dans laquelle on voit des griffons au milieu de médaillons carrés. Si l’on s’en rapporte au dessin que Percier fit de cette verrière à Saint-Denis avant qu’elle eût été transportée au Musée des monuments français, ces griffons formaient le