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latéraux sont tenues plus bas que celles des arcs ogives, afin de laisser encore à la réunion des voûtains triangulaires une forme générale domicale. Ce parti persista jusqu’aux premières années du XIIIe siècle.

Ce qui prouve combien le système de voûtes admis dans la reconstruction de l’église abbatiale de Saint-Denis est radical, est nouveau, ce sont les monuments contemporains de celui-ci ou même un peu postérieurs, dans lesquels on aperçoit encore des hésitations, des restes de traditions romanes dont les architectes n’osent ou ne peuvent s’affranchir. À ce point de vue, les voûtes de la cathédrale de Sens méritent un examen approfondi. M. Challe, au Congrès scientifique d’Auxerre de 1859, a parfaitement établi que la cathédrale de Sens ne pouvait avoir été reconstruite après l’incendie de 1184 ; mais on ne peut admettre qu’elle ait été commencée par l’archevêque Henri de France dès son intronisation, c’est-à-dire en 1122, dix ans avant le narthex de l’église abbatiale de Vézelay. Les caractères de l’architecture, des profils et de la sculpture ne peuvent faire supposer que la cathédrale de Sens ait été commencée avant 1140, peu avant la mort de l’archevêque Henri. Et en effet, les textes disent qu’il commença cet édifice, mais ils ne disent pas à quel moment de son épiscopat cette fondation eut lieu. Or, c’est en 1137 que l’abbé Suger commence la reconstruction de son église ; en trois ans et trois mois il avait achevé le chœur. En admettant que la cathédrale de Sens soit contemporaine de l’église de Saint-Denis, on y travaillait encore en 1170, et son édification était poursuivie avec lenteur.

La cathédrale de Sens ne peut donc passer pour avoir servi de point de départ pour les travaux de Saint-Denis, et les voûtes de Saint-Étienne de Sens accusent une indécision (surtout les voûtes basses), des tâtonnements qui n’apparaissent plus à Saint-Denis.

Examinons (fig. 23) une demi-travée de la nef de la cathédrale de Sens. Les voûtes des collatéraux A possèdent des arcs-doubleaux C qui sont plein cintre (voy. le rabattement C′). Mais les travées de la nef étant doubles, c’est-à-dire alternativement composées de grosses piles P pour porter les arcs-doubleaux et les arcs ogives des hautes voûtes, et de piles intermédiaires S composées de colonnes accouplées destinées à porter seulement les arcs de recoupement de ces voûtes hautes, les arcs ogives des voûtes basses se placent assez gauchement sur ces piles. Les arcs ogives rabattus en D ont leurs deux branches inégales, celle ab étant plus courte que celle bc. En c, le constructeur, n’ayant pas réservé une colonnette pour recevoir cette branche bc, a dû poser un corbeau dans la hauteur du sommier de l’arc-doubleau et de l’arc formeret (voy. le tracé perspectif G) ; ainsi a-t-il pu diminuer une partie de la différence de longueur entre les deux branches des arcs ogives. Ces branches d’arcs ogives reposent d’autre part sur la saillie du tailloir des chapiteaux des colonnes accouplées S et sur des colonnettes engagées tenant aux grosses piles. Bien que les arcs-doubleaux C soient plein cintre, les archivoltes E de la nef sont en tiers-point (voy. leur rabatte-