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à mesure qu’elle s’élève vers le ciel !… Mais nous ne rapporterons point ces rêvasseries de tant d’auteurs qui ont écrit sur l’architecture du moyen âge sans avoir à leur service les premiers éléments de la géométrie et de la statique. Il est clair que les artistes que tout raisonnement fatigue, et qui seraient aises qu’il fût interdit de raisonner, même en architecture, par une bonne loi bien faite, et surtout rigoureusement appliquée, s’empressent de répéter ces pauvretés à l’endroit de la structure gothique, et aiment bien mieux voir l’imitation d’un bonnet d’évêque dans une courbe qu’un principe de structure : le bonnet d’évêque, en ce cas, ou l’aspiration de l’âme dispense de toute étude et de toute discussion, et la voûte gothique passe ainsi au compte des niaiseries humaines ; ce qui simplifie la question. Lorsqu’une seule courbe sert pour tous les arcs d’une voûte, et si ces arcs pivotent sur la pile support, il est clair que, au-dessus de chaque pile, chaque partie de voûte donne exactement la forme d’un pavillon de trompette[1]. Lorsque la portion supérieure de ces courbes composées seule est modifiée, afin de poser toutes les clefs et les liernes, par conséquent, de niveau ou dans un même plan horizontal, la forme en pavillon n’en existe pas moins jusqu’à une certaine hauteur au-dessus des naissances, et la variété des courbes supérieures modifie un peu la forme en pavillon, mais ne saurait la détruire pour l’œil. Il est clair aussi que les architectes devaient, par suite de l’adoption de ces arcs rayonnants donnant entre eux des angles égaux, quelle que fût la disposition des travées, soit carrées, soit barlongues, abandonner l’arc ogive, et donner à tous ces arcs rayonnants qui remplissent chacun une fonction semblable une section semblable. C’est ce qui arriva. Il était conforme à la marche logique des procédés adoptés par les constructeurs anglais de ne plus poser entre ces arcs des rangs de moellons, mais de les remplacer par de véritables panneaux de pierre, des dalles. Ce parti est adopté de l’autre côté de la Manche dès le XVe siècle, soit sur des arcs disposés en pavillon de trompette, soit sur des arcs formant une suite de pyramides curvilignes avec portion de berceau. C’est ainsi qu’est construite la voûte de la chapelle de Saint-George, à Windsor[2]. La figure 40 montre une de ces pyramides de voûtes à l’extrados ; comment sont disposés les arcs portant feuillures A, et comment entrent dans ces feuillures les panneaux B de remplissage. Les arcs tiercerons, compris entre les arcs ogives O, aboutissent à une ligne de niveau DD′. À partir de cette ligne jusqu’à la ligne des clefs CC′, la voûte forme un berceau composé de panneaux de pierre clavés, portant en relief, les compartiments simulant alors des pénétra-

  1. On a donné à cette forme la qualification de voûte en éventail ; mais un éventail se développe dans un seul plan : il n’est pas besoin de faire ressortir le défaut de précision de cette dénomination.
  2. Voyez le mémoire de M. le professeur Willis, sur les voûtes anglaises du moyen âge, ou, dans le tome IV de la Revue d’architecture de M. Daly, la traduction de ce travail et les planches à l’appui.