Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 1.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
420
CONCLUSION.

daient à Jérusalem et les Arabes qui visitaient la Mecque. Ainsi ces pèlerinages religieux furent, pour les chrétiens occidentaux comme pour les mahométans, une des voies les plus actives de commerce qu’il y ait eu dans l’histoire du monde. Le but religieux n’était pas le seul qui faisait affluer les Occidentaux vers les lieux saints. Beaucoup certainement, dans ce mouvement qui dura plusieurs siècles, pensaient à s’enrichir. Voyant sans cesse venir d’Orient tous les objets précieux, les barbares dominateurs de l’Occident se sentaient attirés vers ces régions privilégiées qui leur envoyaient l’or, la soie, les épices, les parfums et tout ce qui constituait la richesse et le luxe, comme autrefois les Gaulois s’étaient rués sur l’Italie et la Grèce, mus par l’amour du pillage. Ces relations durent avoir et eurent en effet, dans les premiers siècles du moyen âge, une grande influence sur l’industrie qui se reformait péniblement en Occident.

Si donc nous voulons avoir une idée de ce que pouvait être le mobilier des seigneurs dans les Gaules, la Bretagne et la Germanie, jusqu’à la fin du Xe siècle, il faut aller chercher les types, les moyens de fabrication et les matières premières en Orient. Certes les traditions romaines occidentales avaient, dans ces contrées, laissé des traces profondes ; mais elles durent être peu à peu altérées par l’importation d’une quantité prodigieuse d’objets fabriqués en Asie ou à Constantinople et dans les villes grecques. L’architecture elle-même subit cette influence ; mais on ne transporte pas un édifice, et l’on transporte facilement un meuble. Ce mouvement des arts d’Orient en Occident se prononce d’une manière bien évidente déjà sous le règne de Charlemagne. Ce prince fait venir d’Orient des manuscrits, des objets de toute nature, des armes, des étoffes, et ce n’est véritablement qu’à partir de son règne que l’on voit percer les premiers germes de l’art appliqué à l’industrie en Occident. L’influence des manuscrits grecs et des étoffes orientales fut considérable à partir du IXe siècle. Nous avons l’occasion ailleurs de suivre pas à pas les traces de cette influence sur l’architecture[1] ; nous devons nous borner ici à constater qu’elle fait naître une véritable renaissance dans les produits industriels, tombés, avant cette époque, dans la plus grossière barbarie.

L’architecture répond à des besoins tellement impérieux, qu’elle avait pu se soutenir tant bien que mal à l’aide des traditions romaines occidentales. Depuis l’époque de l’invasion des barbares jusqu’à Charlemagne, l’architecture n’est plus un art, par le fait :

  1. Voyez les Entretiens sur l’architecture, t. I.