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[ CHASSE ]
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Autant qu’on peut en juger par les représentations peintes ou sculptées, ces châsses primitives étaient d’assez grande dimension pour contenir un corps ayant conservé sa forme ; lorsque ces coffres de bois tombèrent de vétusté, ou semblèrent trop pauvres au milieu du luxe déployé dans la décoration intérieure des églises, on les remplaça par des châsses de cuivre repoussé ou émaillé, d’argent blanc ou de vermeil. Alors les restes des saints ne devaient plus présenter qu’un amas d’ossements séparés ; il n’était plus nécessaire de donner aux châsses les dimensions d’un cercueil : l’emploi du métal, par sa valeur aussi bien que par son poids, devait nécessairement contribuer à faire adopter, pour des châsses transportables, des dimensions qui pussent permettre de les porter, et qui ne rendissent pas leur fabrication trop dispendieuse.

C’est à la fin du XIIe et pendant les XIIIe et XIVe siècles que presque toutes ces anciennes châsses de bois peint ou revêtu de lames minces de métal furent refaites. En diminuant leur grandeur, en les fabriquant avec des matières plus précieuses, on changea leur forme et leur position. Elles perdirent l’aspect de coffre, de cercueil, qu’elles avaient généralement conservé, pour prendre la forme de petits monuments assez semblables à des chapelles ou même à des églises ; au lieu d’être placées sous l’autel, comme le sépulcre primitif du saint, on les éleva et on les suspendit sous des dais, sortes d’expositions de bois peint et doré, de pierre ou de métal, disposées derrière les autels. On les descendait de ces expositions, à certains jours de l’année, pour les placer sur l’autel même ou sur le retable, ou pour les porter processionellement dans l’église, dans la ville ou dans tout un diocèse. Quelquefois même on faisait voyager les châsses jusque dans des pays éloignés ; elles étaient accompagnées de religieux qui les offraient à la vénération des fidèles, et recevaient des dons en argent destinés à l’achèvement d’une cathédrale, d’une abbaye, d’une église.

Les translations de reliques, leur passage à travers les villes, étaient l’occasion de cérémonies imposantes. Les châsses étaient ordinairement transportées par des clercs, sur des pavois et des brancards. Sous ces pavois, on attachait des cassolettes dans lesquelles brûlaient des parfums (fig. 1)[1].

Quand les corporations laïques eurent acquis, au XIIIe siècle, une

  1. Sculpture de l’un des chapiteaux de la crypte de l’église de Saint-Denis en France. Ces chapiteaux appartiennent à la construction conservée par Suger, et paraissent être du commencement du Xe siècle.