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[ ARMURE ]
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piqué et du haubergeon de mailles. Un bacinet protège la tête de ce dernier ; ses mains sont couvertes de gants. Les solerets sont de mailles avec grèves complètes de cuir, probablement. Le premier possède une targe ronde, le second un écu pendu au cou. Ces deux hommes d’armes sont complètement dépourvus de pièces d’acier, de plates ; bien que, ainsi que nous venons de le voir, ces pièces d’armures fussent usitées depuis longtemps déjà pour couvrir les épaules, les arrière-bras, les coudes, les genoux et les tibias.

Il était assez habituel, dès le commencement du xiiie siècle, que les seigneurs suzerains se distinguassent, au milieu de leurs barons, par un signe indépendant de leur blason : c’était une couronne ou un cercle de pierreries sur le heaume ; c’était aussi par la bannière portée devant ou près d’eux. Pendant le xive siècle il en fut de même, en France du moins ; le roi seul, entre tous, portait une couronne entourant le heaume. Mais il ne paraît pas que les princes de la famille royale portassent sur leur armure d’autre signe que leur blason. Les évêques, qui, comme seigneurs féodaux combattaient parfois à la tête de leurs gens, portaient, pendant les xiiie et xive siècles, la mitre posée sur le heaume.

La figure 27 bis[1] montre un de ces prélats armés, portant une mitre rouge posée sur le heaume.

À la bataille de Poitiers, en 1356, l’archevêque de Sens fut fait prisonnier et l’évêque de Châlons demeura parmi les morts[2].

Alors, au commencement du xive siècle, chacun s’évertuait à trouver le genre d’armure le plus approprié à la défense, en adoptant simultanément la broigne, le gambison piqué, le haubert de mailles, le surcot ou la cotte de peau rembourrée, les plates, les canons de cuir bouilli pour les bras et les cuisses (cuissots), les grèves d’acier, ou les chausses de mailles, le bacinet et la simple cervelière attachée au camail ou à la gorgerette. On voyait persister cependant une sorte d’armure d’ordonnance, classique, qui semblait particulièrement affectionnée par la maison de France. Nous ne devons pas nous en tenir à ce vêtement de guerre, mais montrer les divers essais tentés par la chevalerie et qui ont un caractère pratique, en laissant de côté ce qui doit être mis au compte de la fantaisie des artistes peintres de miniatures. Mais on ne peut se méprendre à cet égard, pour peu qu’on ait l'habitude de con-

  1. Manuscr. Bibl. nat., Godefroy de Bouillon, franç. (commencem. du xive siècle).
  2. Suivant Villani, cet évêque de Châlons avait contribué par ses exhortations à engager la bataille et a repousser les propositions du prince de Galles.