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portait plus de parements de cette coupe, plus de tassettes en tuiles, plus d’ailettes en rouelles ; les solerets étaient plus pointus, les genouillères plus saillantes, et le bacinet avait une autre forme.

La mort de Jehan Chandos fit grand bruit. Froissart dit qu’il fut fort regretté, « car onques depuis cent ans ne fu plus courtois, plus gentilz ne plus plain de toutes bonnes et nobles vertus et condicions entre les Anglois de lui ». Il fut pleuré par la noblesse de sa nation et même par une partie notable des barons français. La chevalerie en venait alors, très-fréquemment, à combattre à pied ; cet événement et cette façon de combattre durent faire abandonner assez tôt ces parements d’une si noble apparence à cheval, mais si incommodes pour se battre à pied.

De 1395 à 1400, et plus tard encore, on voit cependant les longues manches adoptées parfois avec l’armure. L’homme d’armes que donne la figure 39[1] porte, par-dessus un corselet ou une brigantine, un habillement d’étoffe à jupe fendue par devant, boutonné ou lacé de cette fente jusqu’à la poitrine, garni de longues manches découpées. Une ceinture étrange orne ce parement. Elle se compose de deux galons d’orfèvrerie réunis par des chaînettes d’or, posés en losanges et terminés par des pendeloques en forme de disques. Quelquefois ces pendeloques sont des grelots. Notre homme d’armes porte le heaume ; ses jambes sont complètement armées et ses mains couvertes de gants de peau. Le cheval est houssé. Souvent ce parement est dépourvu de manches et forme simplement corset[2] ; alors les bras sont armés de plates, ou même encore de mailles.

Nous arrivons au moment où l’armure prend un caractère nouveau. Les parements d’étoffe disparaissent ou sont ajustés ; les plates, composées de tant de parties variables, se changent en pièces fixes, solidaires. L’armure, de fer battu, est construite d’après une méthode plus suivie et à l’aide de moyens perfectionnés. C’était la conséquence des guerres incessantes qui avaient

occupé la moitié du XIVe siècle. L’état de paix des dernières années du règne de Charles V et des premières du règne de Charles VI avait donné à l’industrie un grand développement en France. Le luxe, vers ces derniers temps, dépassait tout ce qu’on peut imaginer, et les armures notamment avaient acquis une rare perfection de travail. Elles étaient d’un prix considérable, et tous les hommes

  1. Manuscr. Biblioth. nation., Tristan, t. I, français (1395 à 1400).
  2. Même manuscrit.