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surfaces glissantes, dérobées, en évitant, autant que possible, les angles et jonctions qui peuvent donner prise à la pointe du fer. L’écu, suspendu au cou par la guige, couvre le bras gauche et peut être ramené en avant. On remarquera la selle de ce cavalier avec son troussequin emboîtant le haut des cuisses et ses larges gardes de peau piquée. Quelquefois, sur le corselet, on mettait une très-courte cotte d’étoffe, une sorte de chemisette, armoyée ou blanche, et destinée alors à éviter l’effet des rayons solaires sur le fer[1].

L’armurier a supprimé, dans la façon de cette armure, toutes boucles et courroies apparentes, lesquelles étaient souvent brisées pendant le combat. Les diverses pièces tiennent ensemble, soit par des rivets, soit par des courroies sous-jacentes, soit par des boutons ta ressort.

Il faut croire cependant que ces corselets présentaient des difficultés de fabrication, ou qu’on les trouvait souvent trop lourds et gênants, car des tentatives sont faites encore, au commencement du xve siècle, pour obtenir un vêtement de fer plus facile à façonner, ou plus souple et plus léger. Un manuscrit de 1404 à 1417[2] nous montre, dans la collection de ses très-remarquables miniatures, des hommes d’armes dont le corps est entièrement couvert de cottes de fer composées comme les tassettes, au moyen de lames à recouvrement, maintenues solidaires par des rivets latéraux (fig. 42). Ces hommes d’armes portent encore la gorgerette de mailles attachée au bacinet. Les plates composant ces cottes devaient être assez souples et élastiques pour s’ouvrir et permettre de passer les bras, car elles étaient fixées par derrière au moyen de fortes boucles et courroies (fig. 43), comme certaines brigantines. Il est certain que cet habillement de guerre était loin d’avoir la résistance des corselets et tassettes, mais il devait coûter beaucoup moins cher ; il était plus léger et laissait plus de liberté aux mouvements du corps. On tâtonnait, mais en adoptant définitivement le fer battu pour le vêtement de l’homme d’armes.

Désormais la partie inférieure de l’armure était à peu près fixée et ne devait plus guère être modifiée, mais il n’en était pas de même pour les épaules, le torse et la tête. Lorsque la chevalerie ne combattait qu’à cheval, il importait assez peu que les mouvements du torse et de la tête fussent libres. Le haut du corps agissait par sa masse immobile lorsqu’on chargeait. Il n’en pouvait être ainsi dès

  1. Même Manuscrit. Tous les détails de ces armures sont donnés dans le Dictionnaire.
  2. Biblioth. nation., les Merveilles du monde, français.
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