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voir de droite et de gauche, et que sa jonction aver le corselet fût préservée. C’est vers 1415 que les essais tentés jusqu’alors arrivent à peu près à un résultat satisfaisant. Une tombe gravée, qui date de 1419, appartenant à l’église Saint-Alpin de Châlons-sur-Marne[1] nous fournit un renseignement précieux.

Quoique la gravure de cette tombe soit d’une exécution médiocre, elle présente fidèlement les détails de l’armure de ce temps (fig. 44). Le bacinet de ce gentilhomme entre dans deux lames de métal à recouvrement, qui forment gorgerin et permettent les mouvements de droite et de gauche. Ces deux lames, qui, circulairement, préservent le cou, sont fixées à un camail de mailles qui passe sous le corselet, qui est de deux pièces, plastron et dossière.

Au plastron est fixé le fautre à charnière, qui, développé, permet d’appuyer la lance en arrêt. Les épaules sont protégées par deux spallières qui les enveloppent entièrement, mais qui ne sont pas semblables. Celle de droite est échancrée au droit de l’aisselle pour le passage du bois de la lance. Celle de gauche reçoit en avant une rouelle qui couvre le défaut. Celle-ci monte plus haut sur le gorgerin, car le côté gauche est particulièrement exposé aux coups de lance. La braconnière est une véritable ceinture de fer à laquelle s’attachent les tassettes, au nombre de sept lames, sans courroies, mais maintenues par des rivets. L’épée et la dague sont suspendues à des courroies fixées au haut des cuissots. Le bas des grèves est articulé, tandis que les solerets possèdent des cous-de-pied d’une seule pièce ; leurs articulations ne commençaient qu’au droit des doigts. Cette armure est complète, et figure celles que la chevalerie française portait à la bataille d’Azincourt.

Les spallières, larges, saillantes, ne permettaient pas de passer pardessus la chemise ou cotte courte armoyée, sans manches et sans ceinture. Il fallait, pour pouvoir vêtir ces cottes, que le chevalier fût armé comme le sont ceux représentés figures 40 et 42. Il est certain qu’à la bataille d’Azincourt[2] quelques nobles français portaient des cottes armoyées par-dessus leurs armures, mais non tous, car beaucoup ne furent pas tout d’abord reconnus parmi les morts. Il ne paraît pas que le duc d’Alençon, qui se conduisit si bravement pendant cette journée, eût une cotte à ses armes sur son armure. Entouré, déjà blessé, en vain voulut-il se rendre en se nommant et en levant sa visière, il fut massacré, n’ayant point été reconnu à temps.

  1. Du seigneur de Mairet, mort en juillet 1419.
  2. Le 25 octobre 1415.