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armures forgées, qui, sous le règne de Charles VI, étaient très-coûteuses. A défaut de la noblesse, en partie détruite à Azincourt, plus soucieuse souvent de se retirer dans ses châteaux que de concourir à la défense d’un royaume que l’on pouvait considérer alors comme en complète dissolution, la nation elle-même commençait à s’armer. L’artillerie à feu prenait alors assez d’importance pour modifier l’ancienne tactique de la chevalerie. L’apparition de la Pucelle hâtait ce mouvement du pays qui, moins d’un siècle plus tard, devait tendre à se substituer à la féodalité armée et à composer des troupes nationales.

Nous voudrions bien pouvoir donner à cette page de notre étude l’armure que portait Jeanne Darc. Les documents que l’on possède sur le genre de vêtement de guerre qu’elle avait adopté sont vagues et ne permettent guère que des hypothèses plus ou moins ingénieuses. Toutefois, ces documents s’accordent à la représenter comme ayant revêtu une armure d’homme. D’après la chronique de Mathieu Thomassin, lorsque la Pucelle fut présentée au Dauphin, « elle avoit courts les cheveulx et un chapperon de layne sur la teste, et portoit petits draps (braies) comme les hommes, de bien simple manière. Et parloit peu, sinon que on parloit à elle. » Plus loin, le même auteur ajoute : « Mondit seigneur le Daulphin feit armer et monter ladicte Pucelle. Et si ay oi dire a ceulx qui l’ont veue armée qu’il la faisoit très bon voir, et se y contenoit aussi bien comme eust fait ung bon homme d’armes. Et quant elle estoit sur faict d’armes, elle estoit hardye et courageuse, et parloit haultement du fait des guerres. Et quant elle estoit sans harnoys, elle estoit moult simple et peu parlant. » La chronique anonyme, très-postérieure à Jeanne Darc[1], dit que Robert de Baudricourt, qui fit conduire la Pucelle devant le Dauphin, lui fit faire « robe et chaperon à homme, gipon, chausses à attacher houseaux et espérons, et luy bailla un cheval et un varlet ». Ailleurs, la même chronique dit « qu’elle chevauchoit toujours armée de toutes pièces, et en habillement de guerre, autant ou plus que capitaine de guerre qui y fust ; et quand on parloit de guerre, ou qu’il falloit mettre gens en ordonnance, il la faisoit bel ouyr et veoir faire les diligences ; et si on crioit aucunes fois à l’arme, elle estoit la plus diligente et premiere, fust à pied ou à cheval... »

Étant devant Paris, la Pucelle avait fait offrande de ses armes à

  1. 1467 au plus tard. Voyez Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, publ. par M. J. Quicherat, t. IV, p. 206.