Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 5.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saillants et cannelures pour les habillements de fer. Sans augmenter le poids de l’armure, on donnait ainsi aux pièces une plus grande résistance. La planche IV fait voir que la dossière de l’armure de Nuremberg est ainsi forgée avec un grand nombre de nerfs laissant une cannelure concave entre chacun d’eux. Les armures dites maximiliennes, et qui datent de la fin du xve siècle, ont amené ce genre de fabrication à la dernière perfection.

Déjà de 1440 à 1450, en France, on avait fait des armures dont les cuissots étaient articulés aussi bien sur la pièce antérieure que sur la pièce postérieure ; et, avec le corselet d’acier et les avant-bras armés, on portait encore des arrière-bras et spallières d’étoffe rembourrée sur plaques d’acier rivées sous-jacentes. La figure 48[1] nous montre un chevalier ainsi vêtu. La tête est désarmée et couverte d’un chapeau de feutre garni de joyaux d’or et doublé de martre. Les épaules et arrière-bras sont protégés par des manches de velours violet avec rivets d’or, fortement rembourrées au sommet. Le corselet est orné d’un rinceau rapporté avec des rivures, assez élastique pour ne pas empêcher le mouvement de la pansière. Les tassettes sont faites comme les précédentes, mais les cuissots sont articulés dans toute leur longueur. On remarquera les gardes des genouillères faites en forme de croissant. Cette mode appartient aux années comprises entre 1440 et 1450. Le cheval est houssé, avec chanfrein solide sous la houssure de la tête.

Un manuscrit du xve siècle, publié en 1866 par M. René de Belleval, donne, sur l’habillement de l’homme d’armes français en 1446, des renseignements assez précieux[2]. L’auteur de ce manuscrit n’a qu’un tort, c’est d’être trop laconique et de ne pas s’étendre assez sur les divers genres d’habillements de guerre des hommes d’armes de son temps. Il y avait encore cependant bien des variétés dans les harnais ; les monuments figurés, fort nombreux, de cette époque, nous en fournissent la preuve.

Voici quelques-uns des passages du manuscrit en question, qui peuvent toutefois fournir des renseignements curieux :

« Et premièrement, les dits homes darmes sont armez voulentiers, quant ilz vont en guerre, de tous harnois blanc ; c’est assavoir curasse close, avant braz, grans garde braz, harnois de jambes, gantelez, salades à visière et une petite baviere qui ne couvre que le menton[3].

  1. Manuscr. Biblioth. nation., le Miroir historial, franrais (1440 environ).
  2. Du costume militaire des Français en 1446, par M. René de Belleval, 1866.
  3. Voyez l’habillement de tête de l’homme d’armes (fig. 47, A).